"Nous travaillons sur des thèmes qui comptent pour les gens."

Rolf Holderegger, à la tête du WSL depuis 100 jours, évoque les défis à venir dans une interview.
Rolf Holderegger est le nouveau directeur du WSL depuis le 1er octobre 2024. (Photo: Fabienne Frey, WSL)

Le Conseil fédéral a nommé le biologiste Rolf Holderegger au poste de directeur du WSL. En fonction depuis octobre 2024, il évoque dans cette interview les restrictions budgétaires et la nouvelle stratégie du WSL, tout en soulignant l'importance de mettre en œuvre les résultats de la recherche.

Rolf Holderegger, vous avez été autrefois membre du comité de direction du WSL et dirigez désormais cet institut. Qu'est-ce qui vous a motivé à vous présenter à ce poste?

Je suis convaincu que le WSL joue un rôle important dans la société, en Suisse et au-delà des frontières. Nous travaillons sur des thèmes qui sont pertinents pour les gens. C'est un grand privilège, et c'est la principale raison pour laquelle j'ai posé ma candidature.

Vous êtes en fonction depuis 100 jours. Quelle a été votre première priorité?

En période de restrictions financières, un budget sain est un point essentiel. Par ailleurs, l’équilibre entre la recherche et la mise en œuvre pratique me tient particulièrement à cœur. Au WSL, nous avons besoin des deux.

Comment atteindre cet équilibre?

Je pense que nous y parvenons déjà très bien, car nos chercheuses et chercheurs excellent également dans la mise en pratique de leurs résultats. Nous associons la recherche sur nos thèmes centraux – forêt, biodiversité, paysage, dangers naturels ainsi que neige et glace – à des travaux destinés à la pratique, à des solutions pour les décideurs et décideuses politiques et, enfin, au transfert vers le grand public. Cette combinaison fait le succès du WSL, et il est crucial de la préserver et de la renforcer.

Comment comptez-vous la promouvoir concrètement?

Les approches participatives, où les questions de recherche sont élaborées en collaboration avec des expertes et experts de terrain, prennent de plus en plus d'importance. Nous pouvons ainsi nous assurer que notre recherche est pertinente pour la pratique, la politique et la société. Je vais certainement mettre en place plusieurs initiatives pour que le WSL travaille encore davantage dans ce sens. Cette démarche figure d’ailleurs déjà dans la Stratégie 2035 du WSL, élaborée en 2023.

Comment cette stratégie est-elle mise en œuvre dans le contexte actuel de restrictions financières?

Ce n'est pas toujours facile, mais elle nous aide à fixer des priorités. Cela signifie par exemple que nous nous attaquons aux problèmes les plus urgents du moment. Je considère cette nouvelle stratégie comme un grand pas en avant, car elle a été rédigée selon une approche participative au sein du WSL; tous ceux et celles qui le souhaitaient ont pu y contribuer. Nous pouvons continuer à construire le WSL sur cette base.

La stratégie s'inscrit dans le long terme. Comment assurez-vous que le WSL puisse réagir rapidement aux évolutions actuelles?

Avec notre initiative de recherche sur la sécheresse de 2018, nous avons démontré la forte réactivité du WSL. Nous avons lancé des recherches quasiment en temps réel, dès les premières manifestations du manque d’eau dans la nature. Cependant, réagir rapidement ne signifie pas toujours qu’il faille initier de nouvelles recherches. Parfois, il est plus pertinent de consolider les connaissances existantes, de les analyser et de les transmettre avec des conclusions claires et des pistes de solutions pour la pratique, la politique et le grand public.

Le WSL se fera-t-il désormais davantage entendre sur la scène politique?

Les solutions et les champs d'action proposés par le WSL devraient être davantage prises en compte par le monde politique et, espérons-le, également mises en œuvre.

Comment y parvenir?

En répondant rapidement aux besoins de la société et en fournissant nos solutions dans un délai utile. Si nous consacrons huit ans à la recherche sur une question avant de proposer une solution possible, nous avons raté le coche. De nouvelles recherches sont parfois nécessaires, mais pas toujours.

Pouvez-vous nommer un des sujets d'actualité?

Un thème que nous devons aborder est par exemple la gestion de l'eau à l'échelle du paysage. Nous sommes ici confrontés à des extrêmes: sécheresse d'un côté et inondations de l'autre. Ces phénomènes posent de grands défis, notamment pour l'agriculture, la sylviculture et les zones d'habitation. Or, les marais pourraient servir de tampon aux extrêmes. Non seulement des mesures ciblées de restauration des marais favorisent la biodiversité, mais un marais intact retient l'eau et la restitue lentement dans le paysage. Actuellement, les marais font partie des habitats les plus menacés en Suisse.

Nous devons donc aborder les problèmes de manière plus intersectorielle?

Je pense que cela dépend beaucoup du sujet. Il y aura toujours des questions circonscrites à un seul secteur, mais les défis majeurs requièrent une approche intersectorielle en raison de leurs implications économiques et sociales. Prenons l'exemple des villes: il faut à la fois les densifier et y préserver un cadre de vie agréable, permettant de se détendre, de favoriser la biodiversité, d'atténuer l'impact de la chaleur estivale et de retenir l'eau ou de la laisser s'infiltrer. Les espaces urbains constituent un thème central dans notre nouvelle stratégie.

Quels autres défis voyez-vous dans un avenir proche?

Nous allons intensifier nos échanges avec divers partenaires clés pour appliquer les résultats de nos recherches. Cela passe par davantage de contacts avec les associations professionnelles, les administrations cantonales, les offices nationaux, et le monde politique. Nous saurons ainsi mieux identifier les besoins et réagir à temps, dans une logique de détection précoce.

Parcours professionnel de Rolf Holderegger

Rolf Holderegger a étudié la biologie à l'Université de Zurich, où il a obtenu son doctorat en 1997. Après un post-doctorat à l'Université de St Andrews en Écosse, des emplois en tant que professeur de lycée et en tant que consultant dans le domaine de la protection de la nature, il a accepté un poste de directeur adjoint de la section de génétique écologique au WSL en 2001. En 2006, Rolf Holderegger a été promu directeur de l'unité de recherche Génétique écologique et évolution au WSL et, en 2009, nommé professeur titulaire au Département des sciences des systèmes environnementaux de l'ETH Zurich. De 2011 à 2024, il a dirigé l'unité de recherche Biodiversité et biologie de la conservation au WSL et siégé au comité de direction du WSL de 2011 à 2023. Suite au décès soudain du directeur du WSL en 2020, il a occupé le poste de directeur adjoint pendant un peu plus d'un an. La mise en œuvre lui tient particulièrement à cœur, par exemple dans le cadre du centre de synthèse sur la biodiversité, qui jette un pont entre la recherche et sa mise en œuvre, et qu'il dirige depuis 2023.