Les câbles de la SLS
Câbles de réseau, câbles à haute tension, câbles d’alimentation, câbles électriques et câbles à fibre optique: ce ne sont là que quelques-unes des lignes de toutes formes et couleurs installées ces derniers mois par la section installations électriques que dirige Emanuel Hüsler. Depuis fin septembre 2023, la recherche à la Source de Lumière Suisse SLS du PSI est à l’arrêt: la mise à niveau SLS 2.0 est en cours. A partir de 2025, l’installation rénovée pourra fournir une lumière synchrotron encore plus brillante pour les expériences scientifiques. Dans le cadre de cette transformation, Emanuel Hüsler et son équipe ont déjà posé 30 000 câbles, d’une longueur totale de 504 kilomètres, suffisamment pour permettre – théoriquement bien sûr – de descendre en rappel depuis la station spatiale internationale ISS pour rejoindre la terre.
Pour éviter que toutes ces lignes ne s’emmêlent, un système de numérotation strict a été mis en place. Chaque câble est noté dans les plans de l’installation et consigné dans des listes, mais aussi identifié et installé par ordre chronologique dans les faux planchers, les glissières ou les armoires. «Notre éthique professionnelle exige que nous travaillions proprement et cette précision est, par la suite, un atout pour l’exploitation de l’installation», explique Emanuel Hüsler.
Les grands projets comme la mise à niveau de la SLS n’affolent pas cet installateur-électricien de formation. Après avoir accumulé des années d’expérience dans l’industrie et passé l’examen professionnel supérieur, il est devenu chef de groupe au PSI en 2007. En 2014, il a pris la direction de la section installations électriques, qui fait partie du centre des services corporatifs.
Avec le projet PROSCAN en cours destiné à développer la protonthérapie pour le traitement du cancer et avec la construction du SwissFEL inauguré en 2016, Emanuel Hüsler a déjà acquis des expériences importantes dans le câblage de grandes installations complexes: «Ce travail nous a donné le savoir-faire nécessaire pour faire avancer la mise à niveau de la SLS et pour relier les groupes spécialisés impliqués et leurs systèmes entre eux.» Quatorze groupes travaillent parallèlement à la mise en œuvre de la SLS 2.0, et tous ont des exigences et des méthodes de travail différentes.
Comment planifie-t-on le câblage d’une installation de cette taille et d’une telle complexité, dont le développement se poursuit alors même que sa construction est en cours? Selon Emanuel Hüsler, la recette réside dans un degré élevé d’organisation, une équipe motivée, la capacité à improviser et à conserver la vue de l’ensemble.
Des premières esquisses aux détails
Avec son équipe de 45 personnes, Emanuel Hüsler s’est attelé à la planification générale de ce grand projet en 2019, c’est-à-dire quatre ans avant que la lumière synchrotron de la SLS soit éteinte pour le début des transformations en automne 2023. «Cette phase de préparation nous a donné le temps nécessaire pour nous faire une idée générale du projet et pour passer les premières commandes de matériel.» Les membres de l’équipe se sont régulièrement informés auprès des groupes spécialisés concernés de l’état de leurs appareils, de leurs phases de construction et de leurs besoins respectifs.
C’est le cas, par exemple, du groupe chargé de la technique du bâtiment, sans lequel ce projet de transformation hautement complexe ne serait pas possible; ou de la section aimants, qui s’occupe de planifier, mesurer et construire les quelque 1000 aimants de la taille d’une roue de voiture disposés dans l’anneau de stockage d’électrons entièrement renouvelé de la SLS; ainsi que du département informatique, qui intègre l’installation au réseau du PSI. Les câbles sont l’élément qui relie tous ces groupes et, par la force des choses, également Emanuel Hüsler et son équipe: «En plus des lignes électriques à haute tension nécessaires pour créer le vide dans l’anneau, nous devons aussi planifier des éléments aussi banals que des interrupteurs pour l’éclairage, des milliers de capteurs de température et des modules de haut-parleurs pour les annonces relatives à la sécurité.»
Une fois les premiers plans sommaires établis, il s’agit ensuite de s’attaquer aux détails. Et par exemple de déterminer le blindage adéquat pour un câble. Ce dispositif isole les champs électromagnétiques produits par le courant électrique, qui risquent de perturber les capteurs délicats ou d’autres flux de signaux.
Autre point important, il s’agit aussi de déterminer la longueur maximale qu’un câble peut avoir pour éviter toute latence, c’est-à-dire pour éviter tout retard dans la transmission des signaux. La longueur d’un câble est par exemple un facteur déterminant pour le groupe du diagnostic, qui mesure la taille et la position du faisceau d’électrons. En effet, comme les électrons filent pratiquement à la vitesse de la lumière dans l’anneau de stockage, la transmission du signal doit être instantanée pour pouvoir ajuster ce faisceau de particules chargées. «Un retard dans la transmission nous contraindrait à courir sans cesse derrière le paquet d’électrons le jour où nous déciderions de le réorienter avec les aimants», explique Emanuel Hüsler. «C’est pourquoi nous utilisons ici des câbles aussi courts que possible, de longueur uniforme, et ce en étroite concertation avec l’équipe de diagnostic.
L’élément connectant
Théoriquement, l’électronique de la SLS suit un schéma simple: l’élément central est constitué des unités de commande et réparti sur 670 racks électroniques jaunes, rouges et gris placés dans l’anneau de stockage des électrons. Ces unités colorées – conçues par les groupes spécialisés et construites par l’équipe responsable des installations électriques – déterminent le nombre de câbles entrant et sortant de l’anneau.
Les interactions entre les unités de commande sont relevées par le groupe de pilotage et le groupe chargé des systèmes de contrôle dans des schémas; les électriciens spécialisés relient ensuite les unités entre elles. L’harmonie entre l’intrant et le feedback est le fruit d’une interaction parfaite: «Pour produire le vide, par exemple, les câbles doivent entrer dans l’anneau de stockage des électrons. Pour contrôler le vide, les câbles doivent sortir de l’anneau. Tous ces processus sont gérés par d’innombrables unités de commande.» Dans ce contexte, la sécurité des personnes joue également un rôle non négligeable. Ainsi, chaque câble doit être isolé correctement, mesuré, documenté et tous les éléments mis à la terre.
Les nombreux kilomètres de câbles numérotés passent sous le double fond des racks électroniques, reliant les nombreuses petites unités entre elles pour former, en fin de compte, un grand ensemble. Tout a été conçu, dessiné et construit étape par étape. Parfois, il a aussi été nécessaire de faire marche arrière et de recommencer.
«Ce sont les aléas des projets d’une telle envergure», dit Emanuel Hüsler. «On s’est donné beaucoup de mal, tout a été câblé proprement, à la main, et tout fonctionne en principe parfaitement, et voilà qu’il faut tout démonter parce qu’un nouvel appareil a été ajouté.»
Les heures supplémentaires ont malheureusement été inévitables. «Je félicite de tout cœur mon équipe car nous sommes parvenus à terminer dans les délais», souligne le responsable. «Sans la flexibilité et l’engagement de ses membres, nous n’y serions pas parvenus.»
Le PSI a déjà lancé le prochain grand projet: intitulé IMPACT, il vise à mettre à niveau l’accélérateur de protons en 2025. Cela fait déjà un bout de temps qu’Emanuel Hüsler et son équipe se sont attelés à la planification du câblage de cette installation.