Concevoir la vie avec l'intelligence artificielle
Le collagène, l’insuline ou encore l’hémoglobine: dans notre organisme s’activent sans relâche quelque 20’000 types de protéines. Ces molécules assurent différentes fonctions biologiques indispensables à la survie de nos cellules, et les progrès en matière d’intelligence artificielle permettent désormais aux chercheuses et chercheurs de mieux découvrir et comprendre cet univers aux formes aussi diversifiées qu’utiles. Chaque protéine ayant une structure 3D qui détermine sa fonction. Les possibilités de modéliser cette structure sur la base de la séquence d’acides aminés de la protéine mais aussi de générer de nouvelles protéines pour un rôle précis amènent des opportunités prometteuses dans le domaine de la conception de protéines. Un champ de recherche que le professeur assistant Sahand Jamal Rahi a souhaité ouvrir aux étudiantes et étudiants de l’EPFL, via le projet interdisciplinaire Designing Life with AI.
«Lorsque des outils de conception de protéines, basés sur l’IA et relativement faciles à utiliser, sont devenus disponibles, j’ai réalisé l’opportunité de combiner mon intérêt pour le sujet avec mon souhait de voir davantage d’étudiantes et étudiants faire de la recherche, relève Sahand Jamal Rahi, responsable du Laboratoire de physique des systèmes biologiques. Je les ai toujours encouragés à rejoindre des laboratoires, en particulier celles et ceux de première année qui suivent mon cours de thermodynamique. Il est extrêmement précieux pour les jeunes d’acquérir une expérience pratique, car lire sur la recherche et la pratiquer sont deux choses différentes.»
Soutenu par l’initiative MAKE, le projet Designing Life with AI a donc pour but d’inciter les étudiantes et étudiants à se lancer dans un projet de recherche en lien avec la conception de protéines. Actuellement, le projet réunit huit laboratoires et une trentaine de personnes. «En plus de nos recherches respectives, nous facilitons la mise en réseau entre les étudiants et les professeurs, nous organisons des moments d’échange, nous fournissons des protocoles pour les expériences en laboratoire et des tutoriels pour l’utilisation des logiciels», expliquent Cris Darbellay et Mateo Schärer Gonzalez, étudiants Bachelor en ingénierie des sciences du vivant, à la tête du projet Designing Life with AI.
Get hands-on experience in research
“When I saw that AI-driven software was available for designing proteins in a fairly easy way, I realized I could combine my interest in the topic with my goal of giving more students experience with the research process,” says Rahi. “I’ve always encouraged students – especially those in my first-year thermodynamics class – to join EPFL research labs. I think it’s extremely valuable for young people to get hands-on experience in research, since reading about research is one thing, but applying it in practice is quite another.”
“Designing Life with AI”, which is supported by EPFL’s MAKE initiative, gives students the opportunity to carry out research projects involving protein design. Eight research labs and around 30 people are currently involved. Cris Darbellay and Mateo Schärer Gonzalez, bachelor’s students in life science engineering, are the project leaders for “Designing Life with AI”. They explain: “Beyond the research itself, students also get a chance to meet with professors and network informally. We also provide procedures for the lab experiments and user guides for the software.”
Créer des protéines pour une fonction spécifique
Dans leurs recherches, les deux étudiants s’intéressent aux protéines de signalisation telles que les kinases, qui jouent un rôle clé dans la régulation de fonctions cellulaires. Ils se penchent notamment sur la manière de contrôler leur activité en leur attachant un «domaine LOV» (lumière, oxygène ou tension). En effet, exposé à la lumière bleue, le domaine LOV change de forme et agit sur l’activité de la protéine. «Dans l’idéal, nous souhaiterions créer une kinase avec un domaine LOV, ce qui permettrait d’activer la fonction de cette protéine grâce à la lumière bleue», relève Cris Darbellay.
En parallèle, plusieurs recherches du projet Designing Life with AI ciblent les «binders», des molécules qui peuvent se lier aux protéines, par exemple pour identifier une protéine toxique, bloquer une protéine cible ou moduler ses voies de signalisation. Alexia Möller, étudiante Master en ingénierie des sciences du vivant, et Dario Sergo, étudiant Master en physique, travaillent par exemple sur un nanobody (un petit fragment d’anticorps) fluorescent capable de pénétrer dans la cellule grâce à un peptide autopénétrant, ce qui permettrait de mieux observer les interactions des protéines au sein de la cellule. «À terme, notre but est de trouver une méthode pour concevoir des nanobodies adaptés à chaque antigène», note Alexia Möller.
Indispensables à la survie des cellules, les protéines régissent la vie, et la recherche sur ces molécules ouvre la voie à un immense champ d’applications: traitements thérapeutiques, détection de maladies mais aussi dégradation de polluants ou encore capture de CO2. Fascinés par ce potentiel, toujours plus d’étudiantes et étudiants souhaitent explorer cet univers.