L'EPFL Rocket Team championne d'Europe en lancement de fusées
C’est aux environs de 14h le 14 octobre que s’est envolée la fusée conçue et fabriquée par l’EPFL Rocket Team, dans une base militaire aux alentours de Ponte de Sor au Portugal. Sous un ciel clair, la fusée a grimpé jusqu’à 3167 mètres avant de retomber, amortie par le déploiement de deux parachutes aux couleurs du drapeau suisse et cousus à la main par l’équipe. Trois jours plus tard, le jury tranche : l’équipe de l’EPFL remporte le grand prix de la compétition, en plus d’une récompense pour avoir réalisé le meilleur vol de leur catégorie (vol à trois kilomètres d’altitude avec un moteur hybride).
© EPFL Rocket Team
Cette victoire est une première pour l’EPFL Rocket Team : c’était pour l’équipe non seulement le premier vol « nominal » en compétition internationale, mais aussi leur première occasion de tester un moteur hybride fabriqué par les soins de l’équipe. « Nous avions l’habitude de simplement acheter un moteur solide pour la fusée, pour pouvoir nous focaliser sur le reste du système », explique Théophile Balestrini, qui était à la tête de l’équipe de propulsion. « Cette fois-ci, nous avons entièrement fabriqué un nouveau moteur hybride, donc avec un oxydant liquide et un carburant solide. » Ce type de moteur ajoute un large degré de complexité, car nécessitant un système de vannes et une électronique adaptée pour fonctionner correctement, mais il permet un meilleur contrôle de la poussée et donc une plus grande précision sur l’altitude atteinte, ce qui était un critère de réussite lors de la compétition.
© EPFL Rocket Team
L’enjeu était d’ailleurs de taille ; sur dix-neuf équipes, seules deux sont parvenues à récupérer leur fusée en bon état. Pour cause : l’ouverture du parachute et le contrôle de la descente, des défis qui donnent du fil à retordre autant aux étudiants qu’aux ingénieurs de la NASA. « En pleine chute libre, l’ouverture d’un parachute peut-être très chaotique », souligne Erik Uythoven, étudiant en mécanique qui a travaillé sur le déploiement du parachute. « Il y a beaucoup de mouvements aléatoires et il se passe toujours quelque chose d’inattendu : il faut donc prévoir un système extrêmement robuste et sûr ». Une démarche innovante a permis à l’équipe de tirer son épingle du jeu : « Contrairement à la plupart des autres équipes, nous n’avons pas utilisé de moyens d’actuation pyrotechniques, qui sont moins contrôlables et peuvent endommager la fusée », précise l’étudiant. « Nous avons développé un système mécanique inspiré des parachutes de secours, qui a très bien fonctionné. »
Mûre de quatre ans, la Rocket Team rassemble aujourd’hui 200 étudiantes et étudiants de l’EPFL et gère un budget de centaines de milliers de francs. Depuis ses débuts, l’équipe étudiante s’est largement professionnalisée, délivrant désormais des crédits de cours sous la forme de projets de semestre, ces derniers conçus et proposés par les membres mêmes de l’équipe. « Cette année, nous avons proposé 47 projets de semestre à la communauté de l’EPFL. Cela représente des centaines de crédits ! » explique Mathieu Udriot, étudiant en Microtechnique et un des coordinateurs de l’équipe.
Pour les membres de la Rocket Team, le développement d’une fusée permet d’acquérir une expérience pratique difficilement accessible dans le cursus standard de l’université : il y a en effet rarement autant d’enjeux en cas d’échec du prototype que lorsqu’on lance une fusée, les dégâts matériels pouvant coûter une somme faramineuse à l’équipe, sans compter le risque aux personnes autour. Un tel exercice requiert donc une rigueur plus élevée que la moyenne. « Ce type d’expérience est enrichissant autant sur le point humain que technique », déclare Alejandra Plaice, étudiante en Microtechnique et cheffe de l’équipe structure. « Les compétences acquises dans ce contexte, directement applicables au monde professionnel, ne peuvent pas être obtenues en cours ».
À l’aube de ses nouvelles ambitions, la Rocket Team a également décidé de privilégier les évènements européens. D’habitude candidate à la Spaceport America Cup (SAC), évènement mondial qui réunit 150 équipes internationales au Nouveau-Mexique, l’équipe a d’ores et déjà décidé de ne pas participer à la prochaine édition. Pour cause : une volonté de mettre l’accent sur l’industrie aérospatiale européenne qui est d’ailleurs largement plus accessible aux membres de la Rocket Team, les entreprises américaines aérospatiales ne pouvant pas engager des étrangers à cause de restrictions imposées par le gouvernement américain. En outre, l’EPFL Rocket Team envisage de se recentrer sur le développement de nouvelles technologies. « Après quatre ans de compétitions, nous souhaitons travailler vers un objectif à long terme, comme celui d’atteindre l’espace, c’est-à-dire dépasser les 100km d’altitude. », explique Loup Cordey, responsable de la charge utile de la fusée « nous visons également à développer un système de TVC (Thrust Vector Control), qui nous permettrait de faire atterrir nos fusées, à l’instar de certains acteurs majeurs de l’industrie. »
Également sur la liste d’objectifs de la Rocket Team : le développement d’un moteur à ergols liquides plus performant et d’une fusée capable d’atteindre une vitesse supersonique. Pour ce faire, elle appelle tous les étudiantes et étudiants motivé(e)s par le domaine à s’intéresser aux différentes positions disponibles dans l’équipe soit bénévolement, soit au travers d’un projet crédité par l’EPFL. Inscrite dans l’initiative pédagogique des projets MAKE de l’école, elle espère également voir l’impact de ces projets, autant sur la communauté étudiante que sur le rayonnement de l’école, valorisé par la direction : « les étudiants impliqués dans ces initiatives passent parfois des dizaines d’heures par semaine à travailler dessus, en plus de leurs études. L’apport éducatif qu’elles fournissent justifie qu’elles prennent une place plus large dans le curriculum des étudiants », conclut Loup Cordey.