La nutrition comme solution à la motivation
Dans la vie, la motivation peut faire la différence entre succès et échec, définition d’objectifs et désœuvrement, bien-être et tristesse. Et pourtant, devenir et rester motivé est souvent l’étape la plus difficile et cette question a donné lieu à de nombreuses recherches.
Une infime partie de ces recherches concernait la question du métabolisme. «Les différences de métabolites dans le cerveau ont-elles des répercussions sur notre capacité de motivation?», s’interroge la professeure Carmen Sandi de la Faculté des sciences de la vie de l’EPFL. «Si tel est le cas, la nutrition susceptible d’influer sur les niveaux de métabolites pourrait-elle être un moyen efficace d’améliorer la motivation?»
L’équipe de Carmen Sandi, avec ses collègues de Nestlé Institute of Health Sciences, a récemment publié une étude qui apporte une première réponse à cette question. Les chercheuses et chercheurs ont étudié une zone profonde du cerveau appelée «noyau accumbens», connue pour jouer un rôle majeur dans la régulation de fonctions telles que la récompense, le renforcement, l’aversion et, surtout, la motivation.
Métabolisme et stress oxydatif dans le cerveau
L’idée à la base de l’étude était que le cerveau – comme tous les tissus de notre corps – est soumis à un stress oxydatif constant, du fait de son métabolisme.
Qu’est-ce que le stress oxydatif? Lorsque les cellules «mangent» diverses molécules pour se nourrir, elles produisent un certain nombre de déchets toxiques sous la forme de molécules hautement réactives, collectivement appelées «espèces oxydantes». Bien entendu, les cellules possèdent un certain nombre de mécanismes pour éliminer les espèces oxydantes et rétablir l’équilibre chimique de la cellule. Mais cette bataille est permanente et quand cet équilibre est perturbé, on parle de «stress oxydatif».
Lien avec le glutathion
Le cerveau est souvent soumis à un stress oxydatif excessif dû à ses processus neurométaboliques. La question pour les chercheuses et chercheurs était de savoir si les niveaux d’antioxydants dans le noyau accumbens peuvent perturber la motivation. Pour répondre à cette question, les scientifiques ont examiné le principal antioxydant du cerveau, une protéine appelée glutathion (GSH), et son lien avec la motivation.
«Nous avons évalué le lien entre les métabolites du noyau accumbens – une région clé du cerveau – et les performances en matière de motivation», déclare Carmen Sandi. «Nous nous sommes ensuite tournés vers les animaux pour comprendre le mécanisme et vérifier la causalité entre le métabolite trouvé et les performances, prouvant ainsi que la nutrition modifie le comportement par cette voie.»
Suivi du GSH dans le noyau accumbens
Ils ont d’abord utilisé une technique appelée «spectroscopie par résonance magnétique protonique». Celle-ci permet d’évaluer et de quantifier la biochimie dans une zone spécifique du cerveau de manière non invasive. Les chercheuses et chercheurs ont appliqué la technique au noyau accumbens d’êtres humains et de rats pour mesurer les niveaux de GSH. Ils ont ensuite comparé ces niveaux avec les performances de leurs sujets humains et animaux dans des tâches standardisées liées à l’effort qui mesurent la motivation.
Ils ont constaté que des niveaux supérieurs de GSH dans le noyau accumbens étaient corrélés à des performances meilleures et régulières dans les tâches de motivation.
Niveaux de GSH et motivation
Mais la corrélation n’impliquant pas la causalité, l’équipe est passée à des expériences sur des rats auxquels on a administré des micro-injections d’un bloqueur de GSH, qui a réduit la synthèse et les niveaux de l’antioxydant. Les rats étaient alors moins motivés, ce qui se traduisait par de moins bonnes performances dans les tests d’effort récompensés.
Au contraire, lorsque les chercheuses et chercheurs ont donné aux rats une intervention nutritionnelle avec le précurseur du GSH, la N-acétylcystéine (qui augmente les niveaux de GSH dans le noyau accumbens), les animaux ont obtenu de meilleurs résultats. L’effet était «potentiellement médié par un changement spécifique du type de cellule dans les entrées glutamatergiques aux neurones à épines moyennes du noyau accumbens», comme l’écrivent les autrices et auteurs.
La nutrition ou les compléments peuvent-ils améliorer la motivation?
«Notre étude ouvre de nouvelles perspectives sur la manière dont le métabolisme cérébral est lié au comportement et propose des interventions nutritionnelles ciblant les processus oxydatifs clés comme interventions idéales pour faciliter l’endurance à l’effort», concluent les autrices et auteurs. Les résultats de l’étude «montrent que l’amélioration de la fonction antioxydante du noyau accumbens pourrait être une approche réalisable pour stimuler la motivation».
«La N-acétylcystéine, le complément alimentaire que nous avons administré dans notre étude, peut également être synthétisée dans l’organisme à partir de son précurseur, la cystéine», explique Carmen Sandi. «La cystéine est présente dans les "aliments riches en protéines", tels que la viande, le poulet, le poisson ou les fruits de mer. D’autres sources avec des teneurs plus faibles sont les œufs, les aliments à base de céréales complètes comme le pain et les céréales, et certains légumes comme le brocoli, les oignons et les légumineuses.
«Bien sûr, il existe d’autres moyens que la N-acétylcystéine pour augmenter les niveaux de GSH dans l’organisme, mais leur rapport avec les niveaux dans le cerveau – et en particulier dans le noyau accumbens – est largement inconnu. Notre étude représente une démonstration de principe que la N-acétylcystéine alimentaire peut augmenter les niveaux de GSH dans le cerveau et faciliter le comportement d’effort.»