Rendre l’approvisionnement énergétique en Suisse plus résilient
Le 8 janvier dernier, il s’est produit dans le réseau électrique européen un incident qui aurait pu entraîner un blackout dans toute l’Europe. Ce sont les efforts communs de tous les exploitants de réseau et la déconnexion ciblée de certains consommateurs en France et en Italie qui ont permis d’empêcher un effondrement généralisé de l’approvisionnement en électricité. La cause de cette catastrophe évitée de justesse: dans le réseau de transmission européen, des défaillances de plusieurs ressources survenues de manière rapprochée ont entraîné un découplage de certains sous-réseaux pendant une heure.
Cet incident, comme d’autres avant lui, montre que même dans des pays les plus développés, des perturbations graves peuvent affecter l’approvisionnement énergétique. Par ailleurs, l’économie énergétique est en plein bouleversement. Avec sa Stratégie énergétique 2050, la Suisse a décidé de sortir progressivement du nucléaire tout en augmentant l’efficacité énergétique et en développant les énergies renouvelables. Notre pays s’est aussi fixé pour objectif de ne plus émettre de gaz à effet de serre d’ici 2050. Mais que se passerait-il en cas de nouvelle défaillance technique, ou encore en cas de choc politique ou économique? Ces questions, dix institutions se les posent dans le cadre du projet de recherche SURE (SUstainable and Resilient Energy for Switzerland), financé à hauteur de 6 millions de francs. Il s’agit de l’un des quatre projets du premier appel à projets du nouveau programme d’encouragement SWEET (SWiss Energy research for the Energy Transition) de l’Office fédéral de l’énergie. Au cours des six prochaines années, des chercheurs étudieront certains évènements qui pourraient influencer le futur système énergétique en Suisse, et comment aménager l’approvisionnement pour qu’il soit aussi résilient, adaptable et durable que possible. «Hormis la thématique du développement durable, celles de la sécurité de l’approvisionnement et de l’indépendance sont fondamentales pour l’approvisionnement énergétique de la Suisse», explique Tom Kober, coordinateur de SURE et responsable du groupe de recherche Economie énergétique au Laboratoire d’analyse des systèmes énergétiques de l’Institut Paul Scherrer PSI.
Il n’y a pas que les catastrophes qui soient décisives
Les chocs – Tom Kober préfère parler d’«événements disruptifs» – peuvent avoir des causes très diverses. Il se pourrait ainsi que certaines infrastructures énergétiques importantes ne soient plus complètement disponibles, en raison de restrictions techniques ou pour des motifs de politique énergétique. Ou encore que des phénomènes météorologiques extrêmes peuvent nuire, du moins temporairement, la production de courant en Suisse de manière substantielle. Mais ce ne sont pas toujours des catastrophes qui limitent l’approvisionnement énergétique. Les projets d'infrastructure dans le secteur de l'énergie – par exemple les centrales hydroélectriques, les centrales géothermiques profondes et les grands systèmes photovoltaïques – montrent clairement que l'acceptation par le public ou les conditions cadres réglementaires et la conception des instruments de subvention sont également cruciales pour qu'une technologie s'établisse. Ces aspects jouent donc également un rôle important dans la résilience du futur système énergétique.
Pour cette raison, SURE prévoit dès le début un échange étroit avec 16 partenaires du terrain, dont des communes, des prestataires énergétiques et des représentants du politique. Trois études de cas – au Tessin, à Zurich et dans la région bâloise – prévoient d’approfondir différents aspects: par exemple, à Bâle, la durabilité et la résilience de l’approvisionnement énergétique pour l’industrie qui y est implantée. Régulièrement, les partenaires organiseront ensemble des ateliers pour coordonner les objectifs de recherche et les besoins des acteurs de terrain, mais aussi développer des instruments stratégiques pour épauler les décideurs. Une plateforme en ligne, notamment, est prévue pour aider le grand public à comprendre les dépendances des différentes dimensions de durabilité et de résilience, mais aussi pour mettre en évidence les conflits d’objectifs entre les mesures concurrentes d’une transformation durable et résiliente du secteur de l’énergie. SURE vise à fournir des recommandations et des lignes directrices pour aider les décideurs politiques, les développeurs de technologie et les entreprises à élaborer leurs stratégies respectives pour un futur énergétique plus durable et plus résilient.
Nouveaux modèles holistiques pour aborder un terrain inconnu
Avec SURE, les partenaires de recherche s’aventurent en terrain inconnu sur le plan scientifique. La modélisation informatique de scénarios énergétiques est certes une tradition de longue date: cette thématique était notamment au cœur de certains projets conduits dans le cadre du programme d’encouragement SCCER (Swiss Competence Centers for Energy Research) qui s’est achevé l’an dernier. Mais pour la Suisse, il n’existe pas encore de scénarios de chocs qui portent sur un futur aussi lointain – jusqu’en 2035, voire jusqu’en 2050 – tout en étant combinés à une approche analytique fondée sur de nombreux indicateurs. Et jamais auparavant, les modèles de calculs pour des aspects aussi différents que l’infrastructure, les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, le développement durable, la sécurité d’approvisionnement et la rentabilité n’ont été aussi étroitement couplés les uns avec les autres pour former une approche systémique. «C’est une nouveauté, souligne Tom Kober. D’où notre volonté de faire évoluer nos modèles et nos indicateurs quantitatifs.» SURE coopère par ailleurs avec trois autres projets SWEET, qui se penchent sur les innovations dans le domaine des énergies renouvelable pour la mise en œuvre de la Stratégie énergétique 2050.
SWEET réunit neuf institutions de recherche renommées en Suisse, entre autres l’ETH Zurich et l’EPFL, ainsi que le cabinet de conseil E3-Modelling à Athènes, seul partenaire étranger internationalement reconnu pour ses modélisations des dynamiques technico-économiques à l’échelle européenne et mondiale.
Le consortium du projet SURE comprend les partenaires de recherche suivants, qui sont financés par le programme SWEET de l'Office fédéral de l'énergie:
- Paul Scherrer Institut
- Eidgenössische Technische Hochschule Zürich
- École polytechnique fédérale de Lausanne
- Università della Svizzera italiana
- TEP Energy GmbH
- University of Applied Sciences and Arts of Southern Switzerland
- Universität Bern
- Université de Genève
- Zürcher Hochschule für Angewandte Wissenschaften
- E3-Modelling S.A