Une puce photonique améliorée grâce à la lumière
La technologie tend toujours plus vers la miniaturisation et l’efficacité énergétique. Cela vaut également pour les puces électroniques. La lumière, et plus largement l’optique, sont fonctionnelles pour fabriquer des puces photoniques compactes et portables. Les chercheurs du laboratoire de systèmes photoniques, dirigé par la professeure Camille Brès, ont réussi à appliquer un nouveau principe pour induire de la non-linéarité optique du deuxième ordre à des puces en nitrure de silicium. Une première relatée dans la revue Nature Photonics.
Différentes couleurs de lumières
«Quand on utilise un pointeur laser de couleur verte par exemple, le laser lui-même n’est pas vert, car ceux-ci sont particulièrement difficiles à fabriquer. On a donc modifié la fréquence d’un laser existant. Celui-ci émet à une fréquence qui est la moitié de celle du vert, puis on la double en utilisant de la non-linéarité dans un cristal ce qui nous donne du vert. Notre étude consiste à intégrer cette fonctionnalité, mais sur des puces photoniques qui peuvent être fabriquées avec les techniques standards développées pour l’électronique (CMOS). Grâce à cela, nous pourrons générer de manière efficace et accordable différentes couleurs de lumières sur une puce», explique Camille Brès. Les puces photoniques actuelles compatibles avec les procédés CMOS utilisent des matériaux standards, tels que le silicium ou le nitrure de silicium, qui ne possèdent pas de non-linéarité de second ordre et ne sont donc pas capables intrinsèquement de transformer la lumière de cette façon. «Cela se révèle une barrière pour le progrès de la technologie», ajoute la professeure.
Un anneau amplificateur
Les scientifiques de la faculté des sciences et techniques de l’ingénieur ont développé une technique pour induire cette non-linéarité, soit le fait de recourir à des lumières modifiées là où il n’est normalement pas possible de le faire. De plus, pour que cette non-linéarité soit efficace, ils ont utilisé un résonateur, une structure en forme d’anneau qui amplifie les processus non linéaires subis par la lumière. Les résonateurs en nitrure de silicium, dont la technologie a été établie à l’EPFL et qui est maintenant commercialisée par Ligentec SA, offrent de très faibles pertes de telle sorte que la lumière y circule pendant très longtemps. «La non-linéarité vient de l’interaction entre la lumière et la matière. Cet échange doit être long si l’on veut que le processus soit efficace. Cependant, la puce est un petit objet sur lequel nous ne bénéficions pas de longues distances», explique Edgars Nitiss, doctorant et co-premier auteur de l’étude. La lumière introduite dans le résonateur devient alors prisonnière et parcours le temps nécessaire afin que la transaction soit augmentée.
Deux voitures sur l’autoroute
Grâce à cette technique, l’efficacité de la puce se trouve nettement améliorée. Mais une nouvelle contrainte s’impose. «Lorsque l’on utilise un résonateur, nous sommes limités en matière de couleurs disponibles», déclare Camille Brès. En effet, l’efficacité d’un effet non linéaire dépend également de l’accord de phase entre les différentes couleurs qui interagissent, alors qu’inéluctablement celles-ci ont différentes vitesses de propagation. «Exactement comme deux voitures sur l’autoroute. Nous voulons que celle sur la voie rapide ralentisse alors que l’autre accélère pour qu’elles puissent rouler l’une à côté de l’autre et ainsi interagir», illustre Jianqi Hu, doctorant et co-premier auteur de l’étude. Ceci n’est en général atteint que dans des cas très contraints dans un résonateur. Les chercheurs ont trouvé une solution pour éviter cette contrainte et proposer une plage de plusieurs couleurs malgré l’emploi du résonateur. Dans le résonateur, les ondes lumineuses se propagent, produisant une interaction cohérente qui modifie les propriétés du matériau. «Une auto-organisation de la structure se réalise de façon tout optique, et compense automatiquement le désaccord de phase, quelle que soit la couleur d’entrée, éliminant un obstacle propre aux résonateurs, mais tout en maintenant leur avantage», conclut Camille Brès.