Des capteurs et des actuateurs en bois
D’énormes quantités de déchets électroniques non-biodégradables sont produites chaque année. Ne serait-il pas plus opportun de produire des composants électroniques à partir d’une matière première naturelle telle que le bois? Ce n’est pourtant pas si simple. D’une part, le bois est naturellement isolant et d’autre part il a une structure complexe, ce qui affecte l'homogénéité des propriétés lors de la production à grande échelle.
Une équipe de l’Empa et de l’Institut de recherche sur les matériaux de l’ETH Zurich a maintenant développé une méthode pratique et polyvalente qui permet, par un simple procédé de graphitisation, de rendre la surface du bois électro-conductrice et ainsi de fabriquer des panneaux tactiles et des capteurs en bois à grande échelle. L’astuce: le pré-traitement du bois avec une encre contenant du fer. Le projet, dirigé par Ingo Burgert et Guido Panzarasa, a bénéficié d’un financement du Fonds national suisse.
Une encre venant du Moyen Âge
Pour générer des pistes conductrices sur le bois, cette nouvelle méthode se base sur un procédé déjà connu, la graphitisation induite par laser. Pour cela, un laser grave d’étroites bandes dans des feuilles de bois, également nommées placages – l’énergie du rayon laser chauffe suffisamment le bois pour provoquer une série d'événements pyrolytiques, menant à la formation de graphite electro-conducteur. Toutefois, la profondeur et la largeur des pistes conductrices ainsi produites sont irrégulières et il y a un risque de surchauffe et d’incendie. De plus, il faut souvent effectuer plusieurs corrections au laser. «Suivant le type d'arbre et son niveau de croissance, le bois a une densité différente et variable», dit le premier auteur de l’étude Christopher Dreimol. «Ce qui peut entraîner une graphitisation très irrégulière.»
L’équipe a donc eu l’idée d’utiliser du fer comme catalyseur – ce qui permet d’assurer une procédure moins agressive et donne une surface nettement plus homogène. Dans sa recherche d’un matériau de catalyse à base biologique, Christopher Dreimol s'est inspiré de l'encre métallo-gallique, un mélange de sel de fer et de tanin végétal qui était déjà connu au Moyen Âge. Après l'optimisation de la recette, il en a appliqué une fine couche au pinceau sur différents placages qu’il a ensuite traités au laser.
L’encre a livré le résultat désiré. Gravées en un seul passage, les pistes présentaient une structure et une conductibilité plus régulière, indépendamment des différences de structure du bois et de l’essence. «Grâce à l’encre, la transformation du bois en graphite se produit si rapidement que le bois est moins endommagé et qu’il n’y a pas de risque d’incendie», explique le chercheur. En outre, le bois est bien moins entaméablaté – la profondeur des pistes n’est que de quelques micromètres, ce qui permet de les graver sur des lamelles plus fines sans l’endommager.
Bois lumineux pour displays
L’équipe a produit des dispositifs électroniques à partir de placages en épicéa, en cerisier et en hêtre de moins d’un demi-millimètre. Selon C. Dreimol, des capteurs de déformation flexibles pourraient être intégrés de manière à être presque invisibles pour la surveillance d’éléments porteurs en bois. Les scientifiques ont également pu rendre lumineuses des lamelles de bois extrêmement fines grâce à une couche électroluminescente. Malgré le grain du placage, l’éclairage produit était homogène. Cette approche pourrait être utilisée pour le rétroéclairage de displays ou encore pour des panneaux d’affichage publicitaire ou de contrôle. Pour l’alimentation par batterie et la commande, les scientifiques ont utilisé des câbles et des composants électroniques traditionnels. Ces derniers pourraient toutefois à l’avenir aussi être remplacés par du bois conducteur.
Les scientifiques veulent désormais affiner et développer la méthode en vue de son utilisation à grande échelle: «Être parvenu à traiter des surfaces relativement grandes en un temps raisonnable constitue un premier pas vers l’industrialisation des dispositifs électroniques en bois», relève Christopher Dreimol.