Évaluer plus équitablement le traitement des eaux usées dans les refuges de montagne

Du fait des conditions dans les refuges de montagne, respecter les prescriptions en matière de traitement des eaux usées s’avère souvent difficile et demande des efforts disproportionnés. Une nouvelle approche d’évaluation de la performance d’épuration pourrait changer la donne.
La méthode alternative pour évaluer la performance d’épuration des petites stations dans les refuges de montagne avec le potassium comme traceur est en cours de validation à l’appui de mesures effectuées à la Chamanna Cluozza et dans d’autres refuges (Photo: Adobe Stock).

La consommation raisonnée d’eau pour la douche, les toilettes et la cuisine est une évidence depuis toujours dans les refuges de montagne. Avec le changement climatique, la pénurie d’eau en montagne s’amplifie encore davantage. Les refuges de montagne sont donc à l’avant-garde des systèmes sanitaires économes en eau et des toilettes sèches en Suisse. Leurs eaux usées sont donc moins diluées. En conséquence, les concentrations en composés organiques et en azote peuvent être démultipliées par rapport aux eaux usées des stations d’épuration communales. À cela s’ajoute que la quantité à traiter varient considérablement, car le nombre d’hôtes dépend de la saison, du temps et du jour de la semaine. Un contexte difficile pour les petites stations d’épuration dans lesquelles sont normalement traitées mécaniquement et biologiquement les eaux usées des refuges de montagne. En outre, celles-ci doivent souvent fonctionner sans courant si le refuge ne dispose pas d’une alimentation électrique suffisante.

La performance d’épuration n’est actuellement pas présentée correctement

Les autorités cantonales fixent les exigences en matière de performance d’épuration, le plus souvent sur la base du guide «Eaux usées en milieu rural» de l’Association suisse des professionnels de la protection des eaux. Ce dernier précise notamment les limites pour la concentration en composés organiques (calculée sous forme de demande chimique en oxygène DCO) et en azote dans les eaux usées traitées. Étant donné que ces substances sont présentes à des taux beaucoup plus élevés dans les eaux usées des refuges de montagne que dans les eaux usées communales, il est nécessaire d’éliminer une part proportionnellement plus importante afin d’atteindre les limites fixées. «Nous constatons que celles et ceux qui économisent l’eau, et en polluent donc moins, doivent en contrepartie fournir un investissement plus conséquent et disproportionné pour le traitement des eaux usées. Et même dans ce cas, le respect des limites n’est pas toujours techniquement possible», écrivent Chiara Lauber et Lukas Ulrich de Vuna, l’ancien spin-off de l’Eawag, ainsi que Kai Udert, responsable de groupe au département Technologie des procédés de l’institut, dans leur article paru récemment dans la revue scientifique Aqua & Gas. Sachant que le système d’évaluation ne présente pas correctement la performance d’épuration des stations d’épuration dans les refuges de montagne, l’équipe propose une approche alternative qui évalue la réduction des charges de substances.

Déterminer la réduction des charges plutôt que des concentrations

Déterminer ces charges est toutefois difficile, car il faut connaître la concentration des substances ainsi que le volume d’eaux usées. Or, dans les refuges de montagne, ce dernier varie en fonction de la fréquentation; le mesurer s’avère par conséquent assez difficile. C’est pourquoi les chercheuses et chercheurs recommandent d’utiliser un traceur, c’est-à-dire une substance qui ne se dégrade pas lors du processus d’épuration. Selon les scientifiques, le potassium est le traceur le plus indiqué, car il est contenu dans toutes les composantes des eaux usées: urine, excréments, eau grise provenant de la douche, du lavabo et de la cuisine. Le rapport de référence entre azote et potassium ainsi qu’entre substance organique et potassium peut être déterminé pour chaque refuge et dépend du type de toilettes installé ainsi que de la concentration de potassium dans l’eau potable utilisée. La mesure de l’azote, de la substance organique et du potassium dans les eaux usées traitées permet ensuite de déterminer les fluctuations de ce rapport et de calculer le taux de substance organique et d’azote éliminé lors du processus d’épuration.

Ce nouveau procédé est en cours de validation à l’appui de mesures effectuées dans plusieurs refuges de montagne. Il relèvera ensuite de la responsabilité des autorités cantonales de l’autoriser ou pas pour la planification et l’approbation des petites stations d’épuration dans les refuges de montagne.  

La méthode de traceur à l’exemple de la Chamanna Cluozza

La Chamanna Cluozza, dans le Parc national suisse, est équipée de toilettes avec chasse d’eau. Pour le rapport entre substance organique (exprimée en demande chimique en oxygène DCO) et potassium (K) dans les eaux usées, les chercheuses et chercheurs ont calculé un rapport DCO/K de 30. Dans plusieurs échantillons prélevés entre juillet et octobre 2024 dans les eaux usées traitées, le rapport DCO/K mesuré s’établissait à 1.6. Il en résulte une performance d’épuration moyenne de 95%. Mais étant donné que, pour cet exemple, la concentration de fond du potassium dans l’eau potable et l’eau de traitement n’a pas été prise en compte, la valeur est en réalité légèrement inférieure. Elle reste néanmoins nettement plus élevée que la performance d’épuration de 80% que l’ordonnance sur la protection des eaux impose aux stations d’épuration de moins de 10 000 équivalents-habitants.

Plus d'informations

Publication originale

Lauber, C.; Ulrich, L.; Udert, K. (2025) Abwasserbehandlng auf Berghütten. Ein neuer Ansatz zur LeistungserbringungAqua & Gas, 105(1), 52-56, Institutional Repository

Financement et Coopération

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