Des micros intelligents pistent les animaux sauvages

Afin d’aider à la préservation des écosystèmes, une start-up de l’EPFL propose de monitorer les animaux grâce à leurs bruits enregistrés par des micros intelligents.
La start-up synature a étendu la surveillance des espèces par ses micros inteligents aux batraciens © 2025 istock

La meilleure manière de percevoir la présence des nombreuses espèces qui peuplent un écosystème est d’écouter. Piaillements, glapissements, coassements… la faune se révèle. Les micros intelligents mis au point par Synature, une start-up de l’EPFL, automatisent cette détection en collectant des données en continu et dans un vaste périmètre. Analysées par un programme d’intelligence artificielle, ces dernières offrent aux organisations, aux acteurs de la protection de la nature et ou encore aux scientifiques une manière inédite de mesurer l’impact de diverses initiatives, comme la mise en place d’une zone protégée ou de nouvelles constructions. Pour le directeur, Olivier Staehli, « nos appareils fournissent également un formidable outil acoustique pour intéresser les gens à la nature ». Le système, testé dans le canton de Glaris, en France ou encore en Afrique du Sud, est en passe d’être produit à plus large échelle.

Une autonomie de trois mois

Le suivi sonore des animaux dans leurs milieux naturels est courant, mais il est pour l’instant mené avec des micros manuels dont il faut récupérer les données sur place. Les enregistrements sont ensuite analysés par des spécialistes. « Nos micros intelligents extraient la voix des animaux du bruit environnant, puis nos algorithmes reconnaissent ces sons. Une application rend ensuite les informations facilement lisibles pour l’utilisatrice ou l’utilisateur », explique l’entrepreneur.

C’est le loup que la jeune entreprise a pris pour cobaye. La première campagne menée en 2022 dans le canton de Glaris a montré l’utilité de son système pour quantifier et localiser les individus. La technologie actuelle ne permet pas encore de détecter une signature vocale et donc d’identifier les individus. Elle peut en revanche différencier les hurlements de jeunes spécimens par rapport aux adultes. « Notre objectif n’est pas de remplacer les autres systèmes de surveillance, remarque Olivier Staehli, mais de les compléter. Chaque méthode d’observation à ses limites et la multiplication de ces moyens offre une carte beaucoup plus représentative de la biodiversité ».

Contrairement à d’autres systèmes de surveillance, comme la télédétection ou l’eDNA – soit l’ADN issu d’organismes vivants via leurs cellules, excrétions, poils, écailles ou débris organiques - ces micros intelligents proposent un enregistrement en continu. « Ce flux de données continu est très utile pour détecter les tendances dans un écosystème de manière plus précise qu'en prenant des mesures une fois par an, par exemple. », souligne le directeur.

Ces derniers mois, le défi a été pour les jeunes entrepreneurs de trouver des solutions pour réduire drastiquement les besoins énergétiques du système afin de prolonger son autonomie. Une étape cruciale pour réduire les interventions sur le terrain au minimum. « Les microcontrôleurs ainsi que la transmission des données sont très gourmands. Nous avons donc optimisé les codes », se souvient-il. Pour détecter les animaux, les cofondateurs utilisent une nouvelle architecture d’IA qui permet une détection plus précise avec moins de données que les méthodes plus traditionnelles. Cela a entre autres permis d’ajouter les batraciens à leur bestiaire et d’entraîner l’IA pour détecter les sons d’environ 9000 espèces d’oiseaux.

«Nous avons notamment bénéficié de l’accélérateur de start-up Blaze, destiné aux étudiantes et étudiants, qui nous a orientés vers des coachs, ainsi que du programme Enabled by Design qui nous a permis de collaborer avec un concepteur afin d’améliorer l’apparence de notre boitier et de notre application.»      Olivier Staehli, directeur de la start-up

Après quelques tests exotiques notamment en Afrique du Sud, la start-up mène plusieurs projets pilotes plus proches de nous. Au sud-est de Paris notamment, la ferme-pilote Hectar expérimente diverses innovations liées à l’agriculture et à l’environnement. Dans ce cadre, la start-up a effectué un test grandeur nature sur plus de 300 hectares afin de monitorer la faune peuplant de grandes étendues de forêt, fournissant des données qui permettront de mesurer les changements liés à d’autres implémentations.

« Sans l’EPFL, notre start-up n’existerait pas »

« Sans l’EPFL, cette start-up n’aurait pas vu le jour », souligne Olivier Staehli. Arrivé sur le campus en 2021 pour effectuer un Master en management, technologie et entrepreneuriat. L’alumni et son cofondateur Noah Schmid, ont élaboré le modèle d’affaires et les premières étapes de l’entreprise comme travail de Master, encouragés par leurs mentors, convaincus de l’utilité de son projet et du moment opportun pour répondre aux besoins de protection de la biodiversité. « Nous avons notamment bénéficié de l’accélérateur de start-up Blaze, destiné aux étudiantes et étudiants, qui nous a orientés vers des coachs, ainsi que du programme Enabled by Design qui nous a permis de collaborer avec un concepteur afin d’améliorer l’apparence de notre boitier et de notre application ». Finalement, divers fonds de démarrage, comme Venture Kick ou Bridge ont soutenu financièrement la création de l’entreprise.

« En Suisse, selon les chiffres de l’Office fédéral de l’environnement, près de la moitié des 230 types de milieux naturels du pays sont menacés, et 35% des espèces évaluées sont considérées comme menacées. Par ailleurs, en 50 ans, la surface dédiée aux habitats et aux infrastructures a presque doublé, exerçant une pression supplémentaire sur les écosystèmes », souligne l’entrepreneur, qui passe depuis toujours une grande partie de son temps libre dans la nature. Contraints par de nombreuses normes édictées pour la préservation des écosystèmes et de la biodiversité, les entreprises et les collectivités publiques ont un besoin croissant de d’obtenir des données fiables sur l’état de la nature. Plusieurs demandes pour tester le système de détection acoustique automatisé sont arrivées ces derniers mois, se réjouissent les cofondateurs. Afin de pouvoir agrandir l’équipe et passer à une production plus importante, la start-up a pour objectif une levée de fonds.