De nouvelles souches environnementales pour produire du biociment

Une étude démontre la pertinence de nouvelles souches environnementales pour la fabrication de biociment. Son premier auteur, Dimitrios Terzis, est chercheur à l’EPFL et co-fondateur de la start-up Medusoil. Depuis 2024, la start-up produit ses liants durables dans le canton de Vaud.
Une partie de l’équipe de Medusoil, Vincent Laurençon, Dimitrios Terzis et Roberto Perez dans l'usine de production du canton de Vaud. © Alain Herzog / EPFL 2025 - CC-BY-SA 4.0

«Poursuivre la recherche fondamentale est essentielle pour moi», indique d’emblée Dimitrios Terzis. Ingénieur civil au Laboratoire de mécanique des sols de l’EPFL, il est aussi co-fondateur de Medusoil, une start-up spécialisée dans la production de liants durables, comparables à du biociment. Dans une étude parue dans la revue Scientific Reports, le chercheur et une équipe de la Haute école spécialisée de la Suisse italienne ont analysé 50 souches de bactéries différentes issues d’une zone agricole du Tessin.

Ce terrain, occupé par des vaches laitières, s’est révélé particulièrement intéressant pour la fabrication du biociment de Medusoil en raison de la présence du calcium. Le biociment de la start-up est produit à partir de l’accélération d’un processus naturel, lorsque des enzymes sécrètent un ciment naturel, la calcite. Celle-ci résulte du carbonat,e produit par les bactéries, qui se lie avec le calcium.

L’étude a permis d’identifier les souches endémiques les plus pertinentes pour la fabrication de ce biociment, soit celles qui sont capables de produire du carbonate et d’être fertilisées. Le milieu bactérien ainsi créé a été utilisé pour infiltrer une colonne de sable d'une hauteur de 1,5 mètre. Après 24 heures d'infiltration, la colonne a présenté une résistance suffisante pour supporter son poids et être appliquée à divers usages géotechniques et géo-environementaux, telle que la lutte contre l’érosion. La recherche indique aussi qu’une optimisation de 40% des coûts de production pourrait être atteinte avec de telles souches.

Changer de paradigme

Depuis plus de 7 ans, Medusoil développe des liants dont l’impact CO2 est au moins de 55% inférieur à celui du ciment classique qui est lui composé de 80% de calcaire et de 20% d'argile cuits à très haute température. Une fois appliqué, le biociment peut servir une variété d'applications géotechniques et de construction, comme consolider les digues et les sols exposés à l’érosion du vent, mais aussi les lieux propices au glissement de terrain, aux séismes ou soumis au trafic routier lourd. Dans un projet genevois, le biociment de Medusoil permet en outre de revaloriser les agrégats de béton issus de démolitions. Enfin, ce biociment peut être réutilisé, il favorise ainsi l’économie circulaire. L’étude parue dans Scientific Reports rappelle que ce procédé de fabrication naturel a le potentiel d’être appliqué à large échelle et d’aider le secteur de la construction à changer de paradigme en matière de durabilité.

Usine de production

La start-up a franchi en 2024 une nouvelle étape pour atteindre cet objectif en inaugurant une usine de production à Molondin, dans la région d’Yverdon-les-Bains. «Avec notre capacité de production de 400'000 litres de biociment par an, nous pouvons, par exemple, stabiliser 5 kilomètres de berge de rivière contre l’érosion», illustre Vincent Laurençon, directeur des opérations de Medusoil. Une usine mobile complète ce dispositif, afin de recourir à des matières premières locales. Transportable par camion, ce dispositif a déjà permis de consolider récemment des routes en Roumanie. La start-up continue d’appuyer son développement sur une recherche de pointe et mène cette année des projets en France, au Moyen-Orient et aux Pays-Bas.