Des cahiers numériques interactifs pour comprendre et réfléchir
Faire des exercices de structure en visualisant les déformations en temps réel, comprendre le traitement du signal en musique, même les concepts abstraits de la physique peuvent devenir accessibles au travers d’un notebook Jupyter. En associant calcul et contenu disciplinaire, ces cahiers numériques mettent en pratique la pensée computationnelle et favorisent la compréhension conceptuelle en développant les capacités de réflexion informatique des étudiantes et étudiants. Ils permettent aux enseignants aussi bien des démonstrations virtuelles en classe que des travaux pratiques à distance, et leur côté interactif donne aux élèves autant d’occasions de s’exercer et de comprendre.
Le projet a démarré à l’EPFL en 2019. « L’idée murissait depuis quelque temps déjà. On en parlait avec Pierre Vandergheynst, alors vice-président pour l’Education, car l'introduction de la pensée computationnelle dans le curriculum fait partie des orientations stratégiques de l'EPFL pour la formation », explique Patrick Jermann directeur du Centre de l’éducation à l’ère digitale (CEDE). « Or les notebooks Jupyter permettent d’utiliser des concepts d’informatique pour comprendre ce qu’il se passe dans d’autres disciplines. »
Les notebooks Jupyter sont une technologie open source née aux États-Unis. « Au début, ils s’appelaient les IPython Notebooks, baptisés du nom du premier langage utilisé par la plateforme. Puis est arrivé le projet Jupyter dont le nom est une contraction de Julia, Python, R, les 3 premiers langages supportés dans les notebooks. Aujourd’hui, il y en a beaucoup plus», précise Cécile Hardebolle, responsable du projet à l’EPFL.
Pour que cela puisse prendre forme à l’EPFL, il a fallu commencer par construire l’infrastructure de la plateforme. Celle-ci a dû être façonnée afin de s’adapter aux besoins spécifiques de ses utilisateurs. C’est le rôle endossé par Pierre-Olivier Vallès, ingénieur système au CEDE. « Il s’agissait d’un gros travail d’assemblage, d’intégration de l’ensemble des composants pour en faire un service capable de répondre aux besoins de l’École et qui intègre l’écosystème de l’EPFL, comme Moodle ou les MOOCs. »
La mise en service des notebooks Jupyter pour l’enseignement s’est faite discrètement, à petits pas, grâce à la collaboration des enseignantes et enseignants intéressés par ce nouvel outil pédagogique et de ceux et celles qui utilisaient déjà les notebooks pour leur recherche. « Il y avait un gros défi technique pour que le service soit adaptable à leur pédagogie. Par exemple, si un chimiste désire faire de la chimie computationnelle et qu’il manque une librairie, Pierre-Olivier l’ajoutera. Nous recherchons en permanence les bibliothèques et les extensions les plus adaptées à l'enseignement », précise Cécile Hardebolle. Car le panel de compétences à l’EPFL est multiple, il y a de la chimie, du machine learning, des systèmes d’informations géographiques, tant de disciplines qui peuvent être soutenues par un notebook.
Utiliser un notebook Jupyter c’est simple, mais installer le serveur nécessaire pour l’exécuter c’est compliqué. La véritable plus-value offerte par l’EPFL est de pouvoir utiliser des notebooks Jupyter sans avoir besoin d’installer de logiciels, et cela, grâce à noto, une plateforme JupyterLab centralisée pour l’éducation. Un gain de temps pour les enseignants et la possibilité pour les étudiants de se connecter partout même avec un ordinateur peu puissant. Un gros défi, car depuis 2019 plus de 5'500 personnes se sont connectées à noto, y compris des professeurs et des utilisateurs d’autres universités, intéressés par la technologie. Quelque 2'600 personnes y sont régulièrement actives. Le système doit donc être armé pour répondre à tant de sollicitations. « Si une classe de 30 personnes se connecte en même temps ça doit marcher, s’ils sont 50, 100 ou 200 à se connecter à 8h15, il faut que dans les 5 minutes tous les serveurs aient démarré », conclut Cécile Hardebolle.