Optimiser le rafraîchissement des villes grâce aux images satellites
Quantifier le CET (« Cooling Establishment Time »)
Dans ce contexte, CET ne signifie pas Central European Time mais Cooling Establishment Time, c’est-à-dire le temps nécessaire à une action donnée pour produire un rafraîchissement stable. Jusqu’à présent, ce paramètre a été peu étudié. Une équipe de l’Institut suisse des sciences et technologies de l’eau (Eawag) a maintenant déterminé pour la première fois le CET de divers éléments d’infrastructure verte et bleue à l’aide de données satellitaires. L’étude a porté sur six aménagements effectués à Zurich à partir de 2002, comme les arbres plantés sur la Tessinerplatz près de la gare de Zurich-Enge ou les plantes grimpantes et les bassins installés dans le parc de l’usine Oerlikon (MFO-Park). Le CET a été calculé à partir de deux grandeurs fournies par les données satellites, à savoir la baisse de la température de surface et l’augmentation de l’indice de vigueur de la végétation.
Les surfaces arrosées et les pelouses rafraîchissent plus vite
L’étude récemment publiée en accès libre dans la revue Sustainable Cities and Society montre que les structures à base d’arbres ou de plantes grimpantes mettent assez longtemps – entre sept et dix ans – à produire un changement visible de la température de surface. Les surfaces enherbées, les pelouses et les espaces arrosés agissent en revanche au bout d’à peine un à trois ans. Toutefois, l’efficacité réelle du rafraîchissement dépend de nombreux autres facteurs. Sur les six surfaces étudiées, les aménagements ont permis un abaissement de la température de surface de 0,5 à plus de 3 °C par rapport aux parcelles adjacentes.
Cette étude s’intègre dans la thèse de l’ingénieur en génie civil et architecte Lucas Gobatti. Son aménagement préféré est celui de l’Heinrichstrasse. Là où s’étalaient autrefois les toits brûlants d’une usine, les satellites mesurent une baisse de température allant jusqu’à 3,5 °C depuis qu’un atrium planté de verdure a été aménagé en 2005 (photo tout en haut). Ce puissant effet rafraîchissant n’est pas uniquement dû à l’existence de végétation mais aussi à l’ombrage et, surtout, à l’arrosage. « Si nous retenons l’eau pendant les pluies pour l’utiliser plus tard pour l’arrosage, nous pouvons fortement accroître l’utilité des infrastructures vertes et bleues », commente le chercheur.
Une aide pour la planification des espaces verts urbains
Gobatti souligne que le but de son étude n’était pas d’établir un palmarès des meilleures mesures de rafraîchissement urbain. « Nous voulions élaborer une méthode qui permette, à partir de données satellites, de mieux comprendre les processus influencés par les différentes mesures dans le domaine des infrastructures vertes et bleues. » Il estime une telle connaissance indispensable pour mieux planifier et réaliser ces infrastructures afin d’obtenir des résultats mesurables suffisamment tôt. Mais il indique aussi que la méthode doit encore être affinée : par exemple, l’effet rafraîchissant des arbres est encore sous-estimé car la température prise en compte par les satellites est celle mesurable au sommet du houppier et non celle qui règne à l’ombre des arbres. Le directeur de thèse de Gobatti, l’ingénieur environnement João Leitão, ajoute que les mesures à privilégier varient selon les objectifs et le nombre de personnes affectées par la chaleur. L’important, à son sens, est de tenir compte de tous les avantages des infrastructures vertes et bleues : non seulement l’effet rafraîchissant mais aussi le ralentissement des écoulements pluviaux et les bénéfices en termes de biodiversité et de loisirs.Recours à une plateforme en ligne de la NASA
L’agence spatiale américaine NASA a créé ARSET, pour « Applied Remote Sensing Training Program », une plateforme en ligne qui permet à tout un chacun de s’exercer gratuitement à l’utilisation des données satellites. L’ingénieur et architecte Lucas Gobatti, premier auteur de l’étude décrite dans l’article, souligne à son sujet : « Sans cet apprentissage, nous n’aurions pas pu réussir aussi bien dans notre projet. » Avant de commencer son étude, Gobatti avait suivi un cours de la plateforme pour apprendre à exploiter les données satellites de façon à identifier les îlots de chaleur urbains et calculer les paramètres utiles. Pour l’étude aujourd’hui publiée, le chercheur et son équipe avaient d‘autre part contacté un programmeur chargé de développer des scripts pour Google Earth, qui les a aidés à échafauder leurs calculs sur cette base. Accès direct à l’offre d’apprentissage de la NASA