Comment le cerveau contrôle les mouvements du corps
Depuis près d’un siècle, les scientifiques savent que le cortex cérébral humain se compose de diverses parties qui contrôlent différents mouvements corporels. Cette découverte fondamentale remonte aux années 1930, lorsque les neurochirurgiennes et neurochirurgiens avaient recours à la stimulation électrique pour cartographier la correspondance entre les régions corticales et les parties du corps.
Mais ces régions peuvent-elles être subdivisées en composantes fonctionnelles encore plus petites? Les chercheuses et chercheurs soupçonnent depuis longtemps que les unités corticales responsables des mouvements spécifiques du corps sont plus complexes que de simples plaques dans le cortex. Des études ont identifié différents types de neurones empilés en plusieurs couches à travers le néocortex, mais sans avoir une idée claire de la façon dont ces neurones interagissent pour produire un mouvement spécifique au niveau des réseaux cérébraux.
Une récente étude de l’EPFL, de l’Université de Cambridge et de l’Université de Kumamoto a utilisé des techniques optiques et génétiques avancées pour révéler qu’une unité de mouvement dans le néocortex contient des modules neuronaux distincts, chacun localisé dans des zones différentes qui ont été traditionnellement affectées à la planification, à l’exécution et à la détection des mouvements. Plus important encore, ces modules changent et s’adaptent à mesure que les compétences sont acquises, fournissant un nouveau cadre pour comprendre comment le cerveau affine le contrôle moteur.
L’étude a été menée par Keita Tamura, Pol Bech et Carl Petersen du Brain Mind Institute de l’EPFL. Keita Tamura a également apporté une contribution de l’Université de Cambridge et de l’Université de Kumamoto. L’étude a été publiée dans Current Biology.
Réseau horizontal vs colonnes verticales
Les chercheuses et chercheurs ont étudié le contrôle des mouvements chez la souris en combinant l’optogénétique (une technique permettant de contrôler l’activité neuronale à l’aide de la lumière), l’imagerie corticale à grande vitesse et le suivi des mouvements basé sur l’apprentissage machine. Cette approche leur a permis d’activer sélectivement différents types de neurones et d’observer comment les signaux qui en résultent voyagent à travers le cerveau pour susciter des mouvements.
Pour tester si l’unité de mouvement spatialement étendue du cortex pouvait être décomposée en éléments plus petits, les chercheuses et chercheurs ont d’abord cartographié l’endroit où les neurones corticaux excitateurs contrôlent globalement les mouvements de la bouche. Ensuite, ils ont stimulé sélectivement différents types de neurones.
Les résultats ont été surprenants: au lieu d’être répartis uniformément, différents types de neurones contrôlent le mouvement à partir de différentes sous-régions distinctes au sein de l’unité de mouvement étendue. Ces sous-régions forment un réseau horizontal de modules spécialisés, ce qui remet en question l’idée reçue selon laquelle le cortex est organisé en colonnes verticales, c’est-à-dire l’idée que différents types de neurones sont empilés verticalement de la surface du cerveau à ses couches plus profondes fonctionnent comme des unités de traitement.
Au lieu de cela, l’étude suggère qu’une unité de mouvement cortical a une organisation plus modulaire et distribuée horizontalement, où des modules spécifiques de type neuronal interagissent dynamiquement à travers différentes régions du cortex.
Le cerveau se réorganise et s’adapte
Par exemple, en étudiant les mouvements de la bouche des souris, les chercheuses et chercheurs ont découvert qu’au sein de l’unité corticale étendue qui contrôle les mouvements de la bouche, il existe des groupes plus petits de neurones, chacun constitué d’un type spécifique de neurone. Et même si chaque type de neurone est réparti uniformément, ils forment des amas fonctionnels dans des régions corticales distinctes impliquées dans la planification, l’exécution ou la détection des mouvements. En fait, l’activité dans ces amas s’est constamment dirigée vers l’une de ces régions corticales pour l’exécution des mouvements.
Cela remet en question l’idée que le cerveau traite les mouvements en colonnes verticales et nettes. L’étude suggère plutôt un système plus flexible et interconnecté horizontalement, où différents groupes de neurones travaillent ensemble pour une fonction spécifique.
En outre, les chercheuses et chercheurs ont constaté qu’au fur et à mesure que les souris acquéraient de nouvelles capacités motrices, certains de ces modules s’étendaient à d’autres zones corticales. Cela suggère que les compétences d’apprentissage impliquent de rétablir les connexions entre ces modules neuronaux. En d’autres termes, le cerveau ne se contente pas de «s’améliorer» lors d’un mouvement, il se réorganise pour optimiser le contrôle.
Cette découverte a de vastes implications. Comprendre comment les unités motrices sont structurées et comment elles changent avec l’apprentissage pourrait aider les chercheuses et chercheurs à développer de meilleurs traitements pour des maladies comme les accidents vasculaires cérébraux ou les lésions cérébrales. Si les scientifiques parviennent à découvrir comment un réseau de modules pourrait compenser leur fonction lorsque l’un des modules perd la sienne, ils pourraient être en mesure de développer des thérapies de rééducation plus efficaces et plus précises, par exemple en rétablissant potentiellement la fonction motrice perdue.