Microplastiques: l'étendue du fléau à la lumière d'une expédition
Au sommet de l’Everest. Dans les tréfonds de la fosse des Mariannes. Sur les plages des îles subantarctiques les plus reculées. Jusque dans nos organes et les feuilles des arbres. Désormais, les particules de plastique sont partout. Le monde scientifique prend petit à petit la mesure de cette pollution omniprésente et protéiforme. Si de très nombreuses inconnues persistent quant à l’étendue exacte du problème, ses conséquences sur les écosystèmes, la biodiversité, la santé humaine et le climat apparaissent maintenant de plus en plus au grand jour.
Nous faisons le point sur l’importance de ce fléau, à l’occasion d’un reportage d’une semaine aux côtés de l’équipe 2022 de SEA Plastics. Chaque année, cette association organise une expédition en Méditerranée, durant laquelle de jeunes scientifiques contribuent aux recherches sur le sujet en faisant des mesures et échantillonnages et en organisant des opérations de sensibilisation de la population lors de leurs escales. Cette année, l’EPFL est de la partie. Étudiante en sciences de la vie (SV), Laurine Planat participe à l’aventure, avec le soutien du Laboratoire central environnemental (CEL) de la faculté ENAC.
La jeune femme est responsable de la partie scientifique et des expériences à bord. Cette année, il s’agit de développer de nouvelles méthodes de caractérisation des microplastiques, d’étudier comment ceux-ci transportent des micropolluants et de récolter des données sur les processus de vieillissement du plastique suivant différents paramètres environnementaux.
Car bien des aspects de cette pollution sont encore largement ignorés ou mal connus. C’est le cas pour ce qui touche à la problématique des microplastiques, c’est-à-dire des particules d’une taille inférieure à 5 millimètres. Un fléau d’autant plus pernicieux qu’il est invisible – il est estimé que les déchets visibles ne représenteraient que 1% de tout le plastique abandonné en mer.
Sans oublier également toute la gamme des nanoplastiques, c’est-à-dire des fragments d’une taille encore plus petite, allant d’un micromètre à cent nanomètres. Une pollution hyper fine encore plus difficile à quantifier. Des recherches ont toutefois déjà révélé leur présence non seulement au sein de pratiquement tous les écosystèmes, mais également des organismes vivants. Une étude de l'Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL), publiée en avril de cette année, a pu établir que des nanoplastiques s’accumulent dans les racines des arbres forestiers et sont ensuite transportés jusque dans leurs branches et leurs feuilles.
Cette pollution a un impact sur les écosystèmes, sur la santé et également sur le climat. On estime que 5 à 10 % de tout le pétrole prélevé de la Terre sert à la production de matière plastique. Et seulement environ 10% de celle-ci est actuellement recyclé. «Le reste est en général incinéré, et souvent dans de mauvaises conditions, ce qui génère d’importantes émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, à la base du réchauffement climatique», note Florian Breider, qui dirige le Laboratoire CEL. De plus, ajoute l’expert, les plastiques dispersés dans l’environnement tendent avec le temps à dégager du méthane, puissant gaz à effet de serre.
L'équipe SEA Plastics 2022: Anne-Laure, Numa, Alice, Clara et Laurine (de g. à d.) © Jamani Caillet/EPFL