Guider la régénération nerveuse pour traiter la paralysie
A l’instar d’autres blessures, celles qui touchent la moelle épinière peuvent elles aussi faire l’objet d’une réparation spontanée de la part de l’organisme. Toutefois, ce processus ne s’observe que lorsque les lésions ne sont que partielles, et non en cas de rupture complète de la moelle épinière. « Nous avions mis en évidence la repousse des nerfs au-travers d’une lésion il y a déjà cinq ans, rappelle Mark Anderson, auteur senior de l’étude, responsable de l’unité Régénération du système nerveux central au centre .Neurorestore et chercheur au Wyss Center for Bio and Neuroengineering. Mais nous nous sommes rendus compte que cela ne suffisait pas à restaurer des fonctions motrices, car les nouvelles fibres échouaient à se connecter aux bons endroits de l’autre côté de la lésion. »
Grâce aux équipements de pointe dont ils disposent à Campus Biotech, sur le site genevois de l’EPFL, les chercheurs ont procédé à des analyses poussées afin de comprendre quel type de neurones était impliqué dans ces régénérations naturelles – travaillant pour ce faire avec leurs collègues de l’UCLA et de la Harvard Medical School. « Des observations par séquençage ARN nucléaire à l’échelle de la cellule individuelle ont mis en évidence les axones qui bénéficiaient d’une régénération, mais aussi les cibles sur lesquelles ils doivent se connecter pour restaurer des fonctions motrices », précise Jordan Squair, premier auteur de l’étude qui paraît ce 22 septembre 2023 dans Science.
Vers une combinaison des approches
Cette découverte a suggéré aux scientifiques le développement d’une thérapie génique activant la croissance des neurones les plus pertinents, renforçant par des protéines la repousse des nerfs au travers de la lésion, et les conduisant par des molécules de guidage jusqu’au site de leur implantation de l’autre côté de la lésion. « Nous nous sommes donc basés sur ce que nous avons compris du fonctionnement naturel de la régénération afin de développer une stratégie thérapeutique qui imite la régénération survenant après une lésion partielle », précise Jordan Squair.
Des souris souffrant d’une lésion totale de la moelle épinière ont pu retrouver grâce à ce traitement une mobilité rappelant celle de rongeurs ayant guéri spontanément d’une lésion partielle. Ces résultats mettent en évidence un prérequis jusque-là inconnu pour que ces repousses nerveuses se traduisent par un retour de certaines fonctions motrices.
« Nous pensons que ces thérapies géniques fonctionneront en synergie avec les autres stratégies que nous avons développées, impliquant des stimulations électroniques de la moelle épinière, explique Grégoire Courtine, directeur de .Neurorestore avec Jocelyne Bloch et . Notre conviction est qu’un traitement complet d’une lésion de la moelle épinière devra à l’avenir faire intervenir en parallèle les deux approches – celle, biologique, qui permet la repousse efficace des fibres nerveuses, et celle, basée sur nos implants souples, qui restaure une communication efficace entre le cerveau et les neurones dédiés à la mobilité. »
Prometteuse, cette approche n’en reste pas moins extrêmement pionnière à ce stade. De nombreuses années de travaux seront encore nécessaires afin de transformer ces résultats de recherche en traitements disponibles pour les patients.