Un modèle pour simuler les tsunamis issus du décrochement d'icebergs
Spécialiste des avalanches et de géomécanique à l’EPFL, Johan Gaume s’est intéressé pour la première fois à la glace. Son but: mieux comprendre l’interaction entre la taille des icebergs et la hauteur des tsunamis. En partenariat avec d’autres universités, il vient de présenter un nouveau modèle de simulation du phénomène dans Communications Earth & Environment, un nouveau journal du groupe Nature.
L’équipe de scientifiques est la première à avoir pu simuler à la fois la rupture du glacier et la formation du tsunami provoquées par le plongeon de l’iceberg dans l’eau. «Notre but était de simuler les interactions explicites entre la glace et l’eau, et ceci signifie un coût en termes de temps de calcul. Nous avons donc opté pour un modèle continu, très efficace numériquement, dont les résultats se sont révélés très concluants et en accord avec de nombreuses données expérimentales», précise le chercheur, directeur du Laboratoire de simulation de la neige et des avalanches (SLAB) et auteur correspondant de l’étude. Celle-ci a été menée en partenariat avec l’Université de Pennsylvanie, les Universités de Zurich et de Nottingham et le WSL Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage.
Cette recherche visait également à préciser les mécanismes en jeu lors de la rupture des glaciers: «Les résultats de nos simulations pourront permettre d’améliorer les lois de calving implémentées dans les modèles globaux utilisés pour prédire l’augmentation du niveau des mers, ceci en donnant des éléments précis sur la taille des icebergs, qui sont une masse perdue», explique Johan Gaume.
Le calving représente la rupture de la glace au terminus d’un glacier. Les mécanismes de rupture peuvent varier en fonction de la hauteur d’eau au niveau du front. Si le niveau d’eau est bas, le glacier qui avance se rompra d’un coup par le haut. Quand le niveau de l’eau est au contraire très élevé, l’iceberg, plus long, peut se détacher par le bas et remonter à la surface sur le principe de la poussée d’Archimède. Ces différents mécanismes engendrent des icebergs de taille différente et donc des vagues d’amplitude elles aussi différentes. «Un autre mécanisme est le retournement d’un iceberg induit par un changement de position du centre de gravité, cela peut aussi provoquer d’importants tsunamis. Dans nos simulations, tous ces différents processus ont pu être reproduits», ajoute Johan Gaume.
Au Groenland, des scientifiques ont criblé de capteurs le Glacier Eqip Sermia, qui se présente avec 200 mètres de hauteur et un fjord de 125 mètres de profondeur. En 2014, un iceberg d’environ un million de mètres cubes (300 piscines olympiques) s’est détaché du front du glacier et a généré un tsunami de 50 mètres de haut, conservant une hauteur de 3 mètres jusqu’aux premières rives habitées, soit 4 kilomètres plus loin. Pour cette nouvelle étude, les chercheurs ont validé leur modèle grâce à ces données de terrain à grande échelle, mais aussi à l’aide des données empiriques, obtenues en laboratoire dans des bassins d’eau de Deltares, aux Pays-Bas.
Projets à venir
En raison du réchauffement climatique, la fonte des glaciers est très étudiée. L’un des auteurs a ainsi démarré cette année à l’Université de Zurich un projet financé par le Fonds National Suisse. Cette étude observera la dynamique du glacier le plus en mouvement du Groenland, le Jakobshavn Isbrae, en combinant des données provenant d'expériences individuelles sur le terrain au Groenland avec les résultats de simulations effectuées à l'aide du modèle du SLAB. «Notre modèle sera également étendu à la simulation de chaînes de processus complexes lors des mouvements gravitaires de terrain, comme l’interaction entre une avalanche rocheuse et un lac de montagne», précise le Johan Gaume.