Le Centre d'imagerie rassemble les compétences des cinq facultés
De l’infiniment petit à l’infiniment grand, de la cellule vivante à l’environnement, des matériaux aux galaxies : une grande partie de la science d’aujourd’hui passe par l’imagerie. Près d’un quart des laboratoires de l’EPFL sont concernés : non seulement pour l’observation de phénomènes invisibles à l’œil nu, mais aussi pour la mise au point de nouvelles méthodes d’acquisition, l’amélioration des algorithmes d’analyse des images ainsi que la gestion de l’énorme quantité de données qui y sont liées. Il manquait à cette multitude de compétences de pointe, réparties sur les cinq facultés, un point d’ancrage commun qui facilite le passage des informations, les collaborations transdisciplinaires et le partage des connaissances. Les cinq facultés adhèrent ainsi au tout récent Centre d’imagerie de l’EPFL (ECI), unique en suisse, qui décloisonne davantage cette multitude de connaissances, propose des financements de recherche pour des projets interdisciplinaires ainsi qu’un hub de soutien et de formation aux utilisateurs. Il vise également à renforcer la position de l’École en tant qu’institution de pointe dans le domaine de l’imagerie scientifique.
Créer des synergies entre une centaine de laboratoires
Incubateur de nouvelles idées de recherche et projets collaboratifs en imagerie, l’ECI compte plus de 90 laboratoires travaillant dans des domaines liés à l’imagerie dans les cinq facultés, parfois dans des domaines manifestes pour les non-initiés tels que les sciences de la vie ou la microtechnique, mais également dans des domaines moins évidents tels que l’environnement, les matériaux ou encore l’intelligence artificielle. Afin d’encourager les chercheurs à plus de collaboration dans l’élaboration de leurs recherches, un appel à projets interdisciplinaires a été lancé récemment. Des workshops et séminaires, dont une série présentant les recherches de scientifiques internationaux, sont mis sur pied. En fédérant ces laboratoires sous un même toit, l’ECI entend donner une meilleure cohérence à l’offre de formation pour les étudiants (cours, projets) actuellement répartie sur le campus. « L’EPFL est bien positionnée, avec une expertise de classe internationale, pour proposer une formation de pointe aux étudiants », souligne Michael Unser, directeur académique du centre. Afin de coordonner toutes ses activités, un comité composé d’un membre de chacune des facultés a été créé. Suliana Manley (SB), Mackenzie Mathis (SV), Christophe Moser (STI), Devis Tuia (ENAC) et Sabine Süsstrunk (IC) relèvent ainsi le défi d’être en première ligne d’une collaboration inter-facultaire en matière d’imagerie.
L’imagerie de demain sera encore plus intelligente
L’imagerie scientifique contemporaine, indépendamment du domaine d’application, se caractérise par sa dimension technique, indissociable des progrès du matériel, du stockage et de l’analyse. Les chercheurs du campus bénéficient d’infrastructures de pointe, notamment dans les unités partenaires du Centre de l’imagerie (BIOP, CIME, CIBM, DCI etc.) qui leur permettent de capturer, quantifier et visualiser des phénomènes physiques avec une résolution ainsi qu’une étendue dans l’espace et dans le temps sans précédent. Pour Michael Unser, « les prix Nobel attribués récemment à la microscopie à super résolution, en 2014, et à la cryo-tomographie électronique en 2017, issus de travaux en collaboration entre plusieurs laboratoires, montrent l’importance de l’interdisciplinarité et de l’imagerie dans le monde scientifique actuel ».
Quelques exemples de collaborations transdisciplinaires fructueuses
Ces progrès rapides dans la capture des images ont en commun la génération de grandes quantités de données, rarement exploitables sans algorithme dédié -, et sans le savoir-faire de spécialistes dont les laboratoires ne disposent pas toujours. « En l’état actuel cette complexité rend parfois difficile le partage de connaissances sur de nouvelles techniques d’imagerie entre les chercheurs », note Laurène Donati, directrice exécutive du Centre. Un pôle de recherche et développement orienté sur le développement de méthodes avancées d'analyse et de reconstruction d'images, compatibles avec les standards de l’open science, est en train d’être mis en place.
Une première collaboration interdisciplinaire a d’ores et déjà donné naissance à un outil qui facilite le lien entre les spécialistes des algorithmes et les utilisateurs finaux. Cette imagerie scientifique moderne est de plus en plus basée sur l’utilisation de modèles d'apprentissage profond (DL), pré-entraînés à détecter des détails sur des milliers d’image en un minimum de temps. L’utilisation de ces programmes nécessite souvent une formation avancée. DeepimageJ, mis au point à l’ECI, permet aux non-experts de déployer de manière intuitive et efficace des algorithmes sophistiqués de DL dans la recherche en sciences de la vie, notamment la classification des pixels et des objets, la segmentation des éléments, le débruitage ou la coloration virtuelle. Open source, ce logiciel permet aux développeurs d'inclure progressivement de nouveaux modèles. Le développement de cet outil représente un cas d’école pour la transdisciplinarité : « les spécialistes de l'imagerie voient un grand intérêt dans cette nouvelle classe d'algorithmes. D’autre part, les chercheurs en apprentissage automatique ont besoin de grandes quantités de données pour entrainer leurs machines. Ils sont donc très intéressés à travailler sur des problèmes réels », commente Daniel Sage, ingénieur et responsable du projet.
Des projets étudiants à la pointe de la recherche en imagerie
Les projets étudiants qui abordent des problèmes concrets, générés par de multiples acteurs de l'imagerie sont un autre excellent mécanisme pour favoriser la collaboration entre les groupes. Par exemple, le projet de Master mené par Quentin Juppet, étudiant de Master à l'EPFL en informatique consistait a coordonner le travail effectué entre les laboratoires de Cathrin Brisken et Martin Weigert (Faculté SV), celui de Michael Unser (STI), et la plateforme de microscopie BIOP. Il a tout récemment permis le développement d’un algorithme basé sur le machine learning permettant de distinguer les cellules humaines de cellules de souris dans une coupe de tissu. Ce brillant travail de semestre, qui s'appuye sur le logiciel open source StartDist, développé par le groupe de recherche de Martin Weigert, a donné lieu à une publication scientifique en biosciences. Il facilitera la recherche sur le cancer puisqu’il automatise la classification des cellules. Pour Olivier Burri, responsable du projet au BIOP : « Avoir une communication ouverte entre les groupes est ce qui a également permis de créer ces ponts entre les besoins des biologistes, le matériel de microscopie que nous possédons, la création d’outils par les spécialistes de la biologie computationnelle, ainsi que l’expérience et la supervision des ingénieurs de recherche».