Un nouvel outil pour étudier la signalisation électrophile
En général, un électrophile est un composé hautement réactif qui «cherche» à se lier à des atomes ou à d’autres molécules possédant une paire d’électrons disponible. Dans une cellule où l’activité est permanente, la signalisation électrophile est un processus qui régule les propriétés de signalisation des protéines.
La signalisation électrophile est également directement associée à la découverte de cibles thérapeutiques et à notre compréhension du mode d’action des médicaments. En fait, il existe tout un domaine de la pharmacologie qui vise à améliorer l’efficacité de certains médicaments en y ajoutant des «éléments» électrophiles.
Curieusement, quand les protéines se déplacent dans les compartiments sous-cellulaires, elles peuvent rencontrer différents métabolites réactifs, qui sont des composés de faible poids moléculaire, généralement impliqués dans un processus biologique comme un substrat ou un produit. Certains de ces composés sont eux-mêmes électrophiles. Ainsi, il est intéressant de réfléchir à la façon dont les propriétés de «détection d’électrophiles» d’une protéine spécifique peuvent changer dans différentes parties de la cellule.
En 2021, l’équipe d’Yimon Aye a développé une méthode chimique innovante pour étudier les mécanismes biologiques du médicament électrophile Tecfidera, qui est indiqué dans le traitement de la sclérose en plaques. Aujourd’hui, l’équipe a mis au point un nouvel outil, appelé Localis-rex, qui permet d’approfondir la biologie des électrophiles et de répondre à des questions sans réponse dans le domaine. L’étude est publiée dans la revue PNAS.
Localis-rex: les mystères de la signalisation électrophile dévoilés
«La signalisation électrophile est généralement considérée de deux façons», explique Yimon Aye. «D’abord, la collision aléatoire de petites molécules et de protéines réactives qui déclenche une réponse ambiguë susceptible d’avoir une influence sur les voies de signalisation cellulaire. Ensuite, la production localisée d’un électrophile marquant une protéine du fait de sa proximité, aboutissant à la signalisation en aval.»
Le problème est que les protéines peuvent changer leurs propres propriétés de détection quand elles se déplacent dans différentes zones de la cellule – un élément peu étudié par les spécialistes selon Yimon Aye. «On a encore moins étudié la manière dont l’état modifié par l’électrophile, lui-même beaucoup plus stable et diffus que les signaux électrophiles, peut être signalé à travers les organites», ajoute-t-elle.
L’objectif de Localis-rex était d’explorer toutes ces questions en identifiant des métabolites «détecteurs» situés dans des compartiments sous-cellulaires – dans ce cas, le noyau ou la membrane externe de la mitochondrie. La méthode consiste à libérer une salve transitoire d’un composé électrophile dans un compartiment sous-cellulaire spécifique. Le composé révèle (ou pas) de potentiels métabolites réactifs qui détectent et régulent une protéine de signalisation.
Récentes découvertes
«Grâce à Localis-rex, nous avons identifié 32 protéines détectrices spécifiques à un lieu qui détectent un métabolite natif à base de lipide-carbonyle, à savoir l’hydroxynonénal», déclare Yimon Aye. «Vingt pour cent de ces protéines n’avaient pas été identifiées auparavant comme étant sensibles aux électrophiles ou médicaments covalents, alors que les autres n’étaient même pas connues comme étant sensibles spécifiquement à l’hydroxynonénal, une quintessence du métabolisme électrophile dérivé des lipides.» L’hydroxynonénal présente un intérêt particulier pour l’équipe de Yimon Aye. Celle-ci a récemment montré qu’il s’agissait d’un nouveau fragment covalent pour le développement de médicaments spécifiques à une isoforme de kinase, un domaine important de la pharmacologie.
Environ quarante pour cent des protéines détectrices que Localis-rex a identifiées détectent des métabolites électrophiles dans des zones de la cellule où ces protéines ne sont normalement ni localisées ni actives. Les chercheuses et les chercheurs se sont penchés sur CDK9, une protéine qui est impliquée dans la transcription, le processus de codage d’un gène de l’ADN à l’ARNm. Leurs travaux ont montré que CDK9 est en fait un détecteur d’électrophiles spécifique au cytosol.
Il est important de noter que la transcription, qui est aussi essentielle à la vie qu’elle est étudiée, n’a jamais été considérée comme régulée par des électrophiles et il existe peu de thérapeutiques avancées la ciblant.
«Localis-rex donnera probablement le plus d’informations pour l’identification rigoureuse des meilleurs détecteurs d’électrophiles», affirme Yimon Aye. «Nos travaux ont des conséquences importantes sur la conception de médicaments covalents et le profilage des cellules sensibles aux médicaments avec une résolution spatio-temporelle élevée, ainsi que sur l’établissement de moyens intéressants et pertinents par lesquels les électrophiles de signalisation endogènes et les métabolites réactifs peuvent avoir un impact sur les processus de signalisation biologique.»