Aller vers une meilleure durabilité

Imaginez un planeur robotisé capable d’accélérer jusqu’à 800 km par heure, seulement poussé par le vent. Combinant passion et travail, Pascal Fua, professeur à l’EPFL, mène des travaux de recherche pour développer les capacités requises, avec des conséquences importantes pour la durabilité.
Planeur au-dessus des montagnes © iStock / EPFL 2022

Responsable du Computer Vision Laboratory (CV) de l’EPFL au sein de la Faculté informatique et communications et passionné de planeur, Pascal Fua a toujours voulu voler. Enfant, il rêvait de devenir pilote de chasse. Mais n’ayant pas une acuité visuelle de 20/20, ce n’était pas possible. Il a donc décidé qu’il supprimerait les moteurs des avions de chasse.

Depuis plus de 30 ans, Pascal Fua fait voler son planeur dans le monde entier, en Europe, en Australie et en Amérique. En 2006, il a fait partie d’une équipe qui a battu un record mondial en survolant les Andes sur 1000 kilomètres en moins de cinq heures. «Nous avions profité du fait que les vents du Pacifique s’élèvent et créent des vagues derrière les montagnes du côté argentin. Même si vous ne pouvez pas voir ces vagues, vous pouvez les surfer et monter à des altitudes incroyables sans moteur», explique-t-il.

Aujourd’hui, il utilise sa vaste expérience en vol de planeur pour repousser les limites en termes de performances et de durabilité dans le cadre du vol de gradient. Il s’agit d’une autre technique de vol utilisée pour gagner de l’énergie en franchissant la limite entre les masses d’air ayant des vitesses différentes. Les planeurs radiocommandés peuvent exploiter ces cisaillements du vent à des altitudes plus basses, et la plus haute vitesse sol enregistrée pour le vol de gradient radiocommandé est de 882 km/h. Toutefois, l’une des difficultés liée à l’utilisation du vol de gradient pour économiser l’énergie est que les choses peuvent aller trop vite pour qu’un être humain puisse garder le contrôle. Et c’est là que vient l’idée des robots pour contrôler automatiquement le vol plané.

«C’est un peu une partie d’échecs car, comme sur un voilier, vous devez planifier votre itinéraire et deviner où les conditions vont être favorables. Parfois vous avez raison, parfois vous avez tort, un peu comme la recherche.»      Pascal Fua

Pascal Fua travaille actuellement sur un projet avec le docteur Ashish Kapoor de Microsoft Research, un pilote chevronné qui a construit son propre avion, pour développer de nouvelles approches de la conception automatisée d’objets composites complexes, comme les planeurs ou les drones, qui doivent respecter des contraintes de conception strictes, notamment par rapport à leur contrôlabilité.

Avec la vaste expérience de l’EPFL en modélisation 3D et les travaux de longue haleine de Microsoft en simulation, contrôle et planification de robots aériens, le projet créera un robot aérien conçu pour le vol de gradient qui intègre des réseaux neuronaux profonds dans une pile de simulation AIRSIM de Microsoft, produisant une super collection de simulateurs (CFD, robot aérien, contrôle Software-in-the-loop, etc.) qui peuvent être conjointement utilisés pour construire des contrôleurs.

«En un mot, notre laboratoire réalise des simulations pour créer la grande quantité de données requises pour alimenter un algorithme qui doit apprendre les différentes réponses du planeur conçu pour le vol de gradient. Nous transmettrons ces données à Microsoft pour qu’elles soient introduites dans leur contrôleur robotique afin que la partie vol de gradient soit entièrement automatisée», poursuit Pascal Fua.

«Dans ce projet, nous utilisons un planeur standard d’une envergure d’environ deux mètres. Mais la prochaine étape est de co-concevoir la forme et les directives de contrôle pour obtenir de meilleures performances et un contrôle plus précis, ce qui à l’opposé de ce qui se fait généralement de nos jours c’est-à-dire concevoir quelque chose puis trouver un moyen de le contrôler», ajoute-t-il.

Le projet a des répercussions au-delà des planeurs et des drones: il concerne aussi les voitures, les avions conventionnels, les éoliennes et les réacteurs de fusion nucléaire, c’est-à-dire tout ce qui doit être contrôlé et où le rendement est primordial. «Prenez les éoliennes, par exemple», déclare Ashish Kapoor, «elles sont immenses et leurs performances dépendent du champ de vent qui les entourent. Il est donc logique de toujours contrôler les pales pour qu’elles soient aussi efficaces que possible et, comme pour un hélicoptère, de modifier l’incidence des pales en permanence.»

À la fin de la journée, les deux chercheurs se sentent chanceux de pouvoir contribuer à la durabilité en combinant leur passion et leur travail. Et Pascal Fua se dit que parfois le croisement entre les deux n’est pas aussi éloigné qu’il n’y paraît: «J’aime le vol en planeur et c’est un défi. C’est un peu une partie d’échecs car, comme sur un voilier, vous devez planifier votre itinéraire et deviner où les conditions vont être favorables. Parfois vous avez raison, parfois vous avez tort, un peu comme la recherche.»

Cette recherche menée conjointement par l’EPFL et Microsoft est l’un des nombreux projets importants à favoriser la durabilité dans l’aviation. SolarStratos, également basée en Suisse, a pour projet d’envoyer un avion solaire dans la stratosphère pour démontrer que l’aviation électrique solaire ouvre déjà la porte à la mobilité de demain. L’initiative Perlan 2, quant à elle, concevra et construira un planeur pressurisé, avec des ailes qui peuvent voler dans une densité d’air inférieure de 3% à la densité d’air normale et à des températures de moins 70 degrés Celsius, pour s’envoler vers les confins de l’espace et explorer la science des ondes orographiques géantes qui contribuent à créer le trou d’ozone et à modifier les modèles climatiques mondiaux.