Jardinage génétique dans les récifs coralliens de l'Océan Indien
Contactés par le Programme de développement des Nations Unies (PNUD) suite à leurs recherches en génétique environnementale en collaboration avec l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) et l’Unité Mixte de Recherche ENTROPIE basée à Noumea, Oliver Selmoni et Stéphane Joost, chercheurs au Laboratoire de systèmes d’information géographique (LASIG) de la faculté ENAC, endossent le rôle de consultants scientifiques pour un projet de restauration des récifs coralliens de l’Île Maurice et des Seychelles. Leur expertise en génétique, combinée aux compétences et connaissances des scientifiques locaux et de diverses ONG de préservation des aires marines, doit permettre de dénicher les espèces de coraux les plus résistantes aux pressions environnementales et humaines, dans le but de restaurer les récifs endommagés.
Table ronde avec Oliver Selmoni et les membres de l'Institut Océanographique de l'Île Maurice © 2022 Oliver Selmoni/LASIG
Au mois de janvier, à l’Île Maurice, Oliver Selmoni entame le programme avec une journée focalisée sur la génomique environnementale, en compagnie des scientifiques de l’Institut Océanographique de l’Île. Pour le jeune chercheur, c’est avant tout un échange et un partage de connaissances avec les personnes impliquées au quotidien dans la protection du récif. « Ils nous apprennent énormément lorsque l’on va sur le terrain. Sans eux nous ne saurions pas où collecter les bonnes espèces, où plonger, comment éviter les courants. »
Après avoir fait la démonstration des logiciels utilisés et présenté la méthode d’analyse des données génétiques aux chercheurs mauriciens, Oliver accompagne ces derniers pour prélever des échantillons du récif avant de procéder aux analyses. Ayant déjà travaillé sur les récifs de Nouvelle Calédonie, il constate que les conditions sont très différentes d’un site corallien à un autre. À l’Île Maurice, les lagons sont très peu profonds, à tel point que la plupart des plongées se font avec masque et tuba seuls, sans bouteille. Les espèces rencontrées y sont également différentes. En termes d’impact sur l’environnement, les récifs font face à une pression humaine bien plus importante : le développement du tourisme et la densité de population, avec 1.2 million d’habitants pour seulement 2’040 km2, exacerbent les atteintes à l’écosystème lagunaire.
A bord du bateau, avant la plongée vers le récif © 2022 Oliver Selmoni/LASIG
En mer, le travail d’échantillonnage est méthodique. Depuis un bateau, les scientifiques repèrent deux espèces principales de coraux (Acropora muricata et Pocillopora damicornis), plongent, les photographient, et en extraient avec des pinces une part suffisamment infime pour ne pas endommager le récif. Les échantillons sont ensuite placés dans des tubes en vue de leur analyse. Étape importante, l’étiquetage, qui permettra de retrouver le corail en cas d’échantillon particulièrement résistant.
Le travail d’Oliver se poursuit aux Seychelles, jusqu’à mi-février, où il collabore avec des ONG qui gèrent les aires marines protégées. Sur l’archipel, une visite à l’Université des Seychelles permet d’évaluer le matériel nécessaire pour mettre en place un laboratoire de biologie moléculaire. Une dernière étape à l’Île Maurice, le temps de présenter les méthodes d’extraction du matériel génétique des coraux, et il quitte les 30°C et l’humidité du début d’année pour regagner la non moins ensoleillée Suisse. Les échantillons sont envoyés en Australie pour être séquencés, et les résultats seront analysés au mois d’octobre, au cours duquel il retrouvera les équipes de l’île Maurice et des Seychelles.
Récolte d'échantillons de coraux dans l'Océan Indien © 2022 Oliver Selmoni/LASIG
Pour Oliver, une dynamique collaborative et un échange de compétences entre ces deux régions de l’océan Indien sont cruciaux pour garantir une meilleure préservation du récif. « Dans cette coopération, l’EPFL apporte la compétence de la mise en relation entre information géo-environnementale et génétique, un outil de plus pour lutter contre le déclin des coraux. » Le « coral gardening », qui consiste à cultiver des polypes pour restaurer les récifs, se pratique déjà dans ces régions. L’identification grâce à la génétique des populations résistantes aux stress offre la possibilité de rendre cette technique systématique et rationnelle. « Ce qui manque actuellement sur place, c’est surtout l’infrastructure pour exploiter les concepts de conservation basés sur l’information génétique. », précise Oliver Selmoni, membre avec Stéphane Joost de la Faculté de l'environnement naturel, architectural et construit (ENAC) de l'EPFL. D’ici la fin de l’année, les chercheurs de l’Île Maurice et des Seychelles seront en mesure de poursuivre les analyses génétiques de manière autonome et durable.