Un système d’alarme précoce pour les stations d’épuration
Dans les stations d’épuration, c’est une communauté variée composée de diverses bactéries qui fait le plus gros du travail à l’étape du traitement biologique dans les boues activées des eaux usées. Les espèces et le nombre de bactéries présentes dans ce microbiome et peuvent varier, par exemple en fonction des saisons ou à cause d’autres facteurs environnementaux. Le cas échéant, de tels changements peuvent avoir pour conséquence d’entraver le processus de traitement, qui ne fonctionne alors plus de manière optimale.
Le décryptage du patrimoine génétique par séquençage de l’ADN permet de déterminer la composition du microbiome. Néanmoins, de telles analyses nécessitaient jusqu’à récemment un certain temps, des laboratoires ultra spécialisés et un équipement onéreux. Mais à présent, une équipe de chercheuses et chercheurs de l’institut de recherche sur l’eau Eawag a réussi à réaliser des analyses ADN directement sur place dans plusieurs stations d’épuration et à obtenir les résultats quelques heures plus tard grâce à de nouveaux appareils de séquençage beaucoup plus petits. Cela permet de prendre des contre-mesures avant même que les changements indésirables du microbiome n’aient un impact négatif sur le processus de traitement. Dans un article qui vient de paraître dans le magazine Aqua & Gas, les chercheuses et chercheurs expliquent la méthodologie testée dans plusieurs stations d’épuration.
Prendre le contre-pied avant que les problèmes apparaissent
«Nos analyses ont montré que le microbiome est non seulement différent d’une station d’épuration à l’autre, mais aussi entre divers parcours de traitement au sein d’une même station», explique Robert Niederdorfer du département Eaux de surface de l’Eawag. La pertinence d’un seul instantané est donc limitée. Seul un monitoring régulier permet de déterminer la composition du microbiome de la station d’épuration concernée et la manière dont il évolue dans le temps et donc de déceler les modifications atypiques. Les chercheuses et chercheurs ont ainsi pu constater par exemple que les problèmes de décantation des boues activées dans l’une des stations d’épuration étudiées étaient corrélés à la quantité de la bactérie Ca. Microthrix. Si un biomonitoring régulier permet de constater une prolifération anormale de cette bactérie, la société exploitant la station d’épuration peut alors stopper sa croissance en ajoutant de l’aluminium et éviter les problèmes de décantation avant qu’ils n’apparaissent.
Dans certains cas, des instantanés isolés du microbiome actuel peuvent fournir des informations utiles. Une analyse ADN a par exemple permis d’identifier dans une station d’épuration la bactérie responsable de la formation excessive de mousse.
«Pour les stations d’épuration, la surveillance en temps réel du microbiome est un outil utile permettant de garantir un traitement stable et finalement d’éviter des coûts», résume Robert Niederdorfer. Il ne fait aucun doute que cette méthode deviendra encore plus précieuse au fur et à mesure que l’on acquerra de l’expérience sur les liens entre microbiome et stabilité ainsi que sur la performance des processus de traitement.