La diversité des forêts recèle un énorme potentiel en matière de carbone, à condition de réduire les émissions.
En bref
- Les forêts ont le potentiel de capturer 226 gigatonnes (Gt) de carbone dans les zones où elles existent naturellement.
- Ce potentiel forestier ne peut être réalisé que parallèlement à la réduction des émissions.
- 60% du potentiel forestier peut être atteint en protégeant les forêts existantes et en leur permettant de repousser jusqu'à maturité.
- 39% peuvent être atteints en reconnectant les paysages fragmentés grâce à la restauration et à la gestion des écosystèmes par les communautés.
- Une diversité naturelle d'espèces est nécessaire pour maximiser le potentiel de carbone des forêts.
Les résultats de la recherche publiés dans la revue Nature montrent que le potentiel mondial réaliste de carbone forestier est d'environ 226 Gt de carbone. L'étude, à laquelle ont participé des centaines de scientifiques du monde entier, souligne l'importance cruciale de la conservation, de la restauration et de la gestion durable des forêts pour atteindre les objectifs internationaux en matière de climat et de biodiversité. Les chercheuses et chercheurs soulignent que ce potentiel peut être atteint en encourageant les efforts déployés par les communautés pour promouvoir la biodiversité.
Le potentiel de carbone des forêts est un sujet très controversé. Il y a quatre ans, une étude publiée dans la revue Science a révélé que la restauration des forêts pourrait capturer plus de 200 Gt de carbone, ce qui permettrait de réduire d'environ 30% l'excès de carbone anthropique. Si cette étude a relancé le débat sur le rôle de la nature dans la lutte contre le changement climatique, elle a également suscité des inquiétudes quant aux effets néfastes sur l'environnement des plantations massives d'arbres, des systèmes de compensation des émissions de carbone et de l'écoblanchiment. Si certaines études scientifiques ont confirmé l'ampleur de cette découverte, d'autres ont affirmé que cette estimation du carbone forestier pourrait être jusqu'à 4 ou 5 fois trop élevée.
Pour aborder ce sujet controversé, une équipe internationale de centaines de chercheurs et chercheuses dirigée par le Crowther Lab de l'ETH Zurich a uni ses forces pour réaliser une évaluation intégrée à l'aide d'un large éventail d'approches, y compris de vastes ensembles de données de terrain et de données satellitaires.
Atteindre le potentiel de carbone forestier
En raison de la déforestation en cours, la quantité totale de carbone stockée dans les forêts est inférieure d'environ 328 Gt à son état naturel. Bien entendu, une grande partie de ces terres est utilisée pour le développement humain, notamment les zones urbaines et agricoles. Toutefois, en dehors de ces zones, les scientifiques ont constaté que les forêts pourraient capturer environ 226 Gt de carbone dans les régions à faible empreinte humaine si on les laissait se reconstituer. Environ 61% de ce potentiel peut être atteint en protégeant les forêts existantes, afin qu'elles puissent se reconstituer jusqu'à maturité. Les 39% restants peuvent être obtenus en reconnectant les paysages forestiers fragmentés grâce à une gestion durable des écosystèmes et à la restauration.
«La plupart des forêts du monde sont très dégradées. En fait, de nombreuses personnes n'ont jamais pénétré dans l'une des rares forêts anciennes qui subsistent sur Terre», a déclaré Lidong Mo, l'un des principaux auteurs de l'étude. «Pour restaurer la biodiversité mondiale, l'arrêt de la déforestation doit être une priorité absolue.»
L'ensemble des données a révélé que la biodiversité représente environ la moitié de la productivité forestière mondiale. Les scientifiques ont donc souligné que, pour atteindre le plein potentiel de carbone, les efforts de restauration devraient inclure une diversité naturelle d'espèces. En outre, les pratiques d'agriculture, de sylviculture et de restauration durables qui favorisent la biodiversité présentent le plus grand potentiel de capture du carbone.
Redéfinir la restauration
Les autrices et auteurs soulignent que la restauration responsable est une entreprise fondamentalement sociale. Elle comprend d'innombrables actions telles que la conservation, la régénération naturelle, le réensauvagement, la sylviculture, l'agroforesterie et tous les autres efforts déployés par les communautés pour promouvoir la biodiversité. Elle nécessite un développement équitable, mené par des politiques qui accordent la priorité aux droits des communautés locales et des populations autochtones.
«Nous devons redéfinir ce que la restauration signifie pour de nombreuses personnes», a déclaré Thomas Crowther, auteur principal de l'article et professeur à l'ETH Zurich : «La restauration ne consiste pas en des plantations massives d'arbres pour compenser les émissions de carbone. La restauration consiste à orienter le flux de richesses vers des millions de communautés locales, de populations autochtones et d'agriculteurs qui favorisent la biodiversité dans le monde entier. Ce n'est que lorsqu'une biodiversité saine sera le choix préféré des communautés locales que nous obtiendrons un captage du carbone à long terme en tant que produit dérivé.»
Les chercheurs et chercheuses concluent que la restauration écologiquement responsable des forêts n'inclut pas la conversion d'autres écosystèmes qui ne contiendraient pas naturellement des forêts. «La restauration globale ne concerne pas seulement les arbres», a déclaré Constantin Zohner, chercheur principal à l'ETH Zurich. «Nous devons protéger la biodiversité naturelle dans tous les écosystèmes, y compris les prairies, les tourbières et les zones humides, qui sont tout aussi essentielles à la vie sur Terre.»
La nature au service du climat
Cette étude met en lumière l'importance cruciale des forêts naturelles et diversifiées, qui contribuent à 30% du potentiel d'absorption du carbone. Toutefois, les forêts ne peuvent se substituer à la réduction des émissions de combustibles fossiles. Si les émissions continuent d'augmenter, prévient l'étude, les sécheresses, les incendies et le réchauffement menaceront les forêts et limiteront leur capacité à absorber le carbone.
«Ma plus grande crainte est que les entreprises utilisent ces informations comme une excuse pour ne pas réduire les émissions de combustibles fossiles. Plus nous émettons, plus nous menaçons la nature et les hommes. Il ne faut pas choisir entre la réduction des émissions et la protection de la nature, car nous avons besoin des deux de toute urgence. Nous avons besoin de la nature pour le climat, et nous avons besoin d'une action climatique pour la nature», a déclaré Thomas Crowther.