Image détaillée de la rétine humaine

Des chercheurs et chercheuses de Bâle et de Zurich créent un atlas à haute résolution qui décrit le développement de la rétine humaine. Elles et ils utilisent notamment une nouvelle méthode qui leur permet de visualiser plus de 50 protéines simultanément.
Détail d'une coupe transversale d'un organoïde rétinien. Les différentes structures tissulaires sont rendues visibles par des couleurs différentes. (Photographie : Wahle et al. Nature Biotechnology 2023)

Résumé

  • Un nouvel atlas illustre le développement de la rétine humaine.
  • Pour le créer, les chercheuses et chercheurs ont cartographié des structures tissulaires tridimensionnelles appelées organoïdes qu'ils et elles avaient cultivées dans leur laboratoire.
  • L'atlas pourrait soutenir la recherche visant à stopper la progression d'une maladie oculaire dégénérative qui peut entraîner la perte de la vue.

Quels types de cellules trouve-t-on dans tel ou tel tissu humain, et où ? Quels sont les gènes actifs dans les différentes cellules et quelles sont les protéines qui s'y trouvent ? Un atlas spécialisé devrait apporter des réponses à ces questions et à bien d'autres encore, notamment en ce qui concerne la formation des différents tissus au cours du développement embryonnaire et les causes des maladies. En créant cet atlas, les chercheurs et chercheuses visent à cartographier non seulement des tissus directement isolés de l'être humain, mais aussi des structures appelées organoïdes. Il s'agit d'amas tridimensionnels de tissus cultivés en laboratoire et qui se développent d'une manière similaire aux organes humains, mais à petite échelle.

«L'avantage des organoïdes est que nous pouvons intervenir dans leur développement et tester des substances actives sur eux, ce qui nous permet d'en savoir plus sur les tissus sains et les maladies», explique Barbara Treutlein, professeure de biologie quantitative du développement au département de science et d'ingénierie des biosystèmes de l'ETH Zurich à Bâle.

Pour contribuer à l'élaboration d'un tel atlas, BarbaraTreutlein, en collaboration avec des chercheuses et chercheurs des universités de Zurich et de Bâle, a mis au point une approche permettant de rassembler et de compiler un grand nombre d'informations sur les organoïdes et leur développement. L'équipe de recherche a appliqué cette approche aux organoïdes de la rétine humaine, qu'elle a obtenus à partir de cellules souches.

Plusieurs protéines visibles simultanément

Au cœur des méthodes utilisées par les scientifiques pour leur approche se trouve la technologie 4i : imagerie par immunofluorescence indirecte itérative. Cette nouvelle technique d'imagerie permet de visualiser plusieurs dizaines de protéines dans une fine section de tissu à haute résolution en utilisant la microscopie à fluorescence. La technologie 4i a été développée il y a quelques années par Lucas Pelkmans, professeur à l'Université de Zurich et co-auteur de l'étude qui vient d'être publiée dans la revue scientifique Nature Biotechnology. C'est dans le cadre de cette étude que les chercheurs et chercheuses ont appliqué pour la première fois cette méthode à des organoïdes.

En général, les scientifiques utilisent la microscopie à fluorescence pour mettre en évidence trois protéines dans un tissu, chacune avec un colorant fluorescent différent. Pour des raisons techniques, il n'est pas possible de colorer plus de cinq protéines à la fois. Dans la technologie 4i, trois colorants sont utilisés, mais ils sont éliminés de l'échantillon de tissu après que les mesures ont été prises, et trois nouvelles protéines sont colorées. Cette étape a été réalisée 18 fois par un robot, et le processus a duré 18 jours au total. Enfin, un ordinateur fusionne les images individuelles en une seule image de microscopie sur laquelle 53 protéines différentes sont visibles. Elles fournissent des informations sur la fonction des différents types de cellules qui composent la rétine, par exemple les bâtonnets, les cônes et les cellules ganglionnaires.

Les chercheurs et chercheuses ont complété ces informations visuelles sur les protéines rétiniennes par des informations sur les gènes lus dans les cellules individuelles.

Haute résolution spatiale et temporelle

Les scientifiques ont effectué toutes ces analyses sur des organoïdes d'âges différents et donc à des stades de développement différents. Ils et elels ont ainsi pu créer une série temporelle d'images et d'informations génétiques décrivant l'ensemble du développement des organoïdes rétiniens sur 39 semaines. «Nous pouvons utiliser cette série temporelle pour montrer comment le tissu organoïde se construit lentement, quels types de cellules prolifèrent et à quel moment, et où se situent les synapses. Ces processus sont comparables à ceux de la formation de la rétine au cours du développement embryonnaire», explique Gray Camp, professeur à l'Université de Bâle et auteur principal de cette étude.

Les chercheuses et chercheurs ont publié leurs images et d'autres résultats sur le développement de la rétine sur un site web accessible au public : EyeSee4is.

D'autres types de tissus sont prévus

Jusqu'à présent, les scientifiques ont étudié le développement d'une rétine saine, mais à l'avenir, elles et ils espèrent perturber délibérément le développement des organoïdes rétiniens à l'aide de médicaments ou de modifications génétiques. «Cela nous permettra de mieux comprendre des maladies telles que la rétinite pigmentaire, une maladie héréditaire qui entraîne la dégénérescence progressive des récepteurs de la rétine sensibles à la lumière et, à terme, la cécité», explique Gray Camp. Les chercheurs et chercheuses veulent savoir quand ce processus commence et comment il peut être arrêté.

Barbara Treutlein et ses collègues travaillent également à l'application de la nouvelle approche de cartographie détaillée à d'autres types de tissus, tels que différentes sections du cerveau humain et divers tissus tumoraux. Petit à petit, cela permettra de créer un atlas qui fournira des informations sur le développement des organoïdes et des tissus humains.

Référence

Wahle P, Brancati G, Harmel C, He Z et al.: Multimodal spatiotemporal phenotyping of human retinal organoid development. Nature Biotechnology, 8 May 2023, doi: 10.1038/s41587-023-01747-2