Comment encourager l’utilisation systématique des filtres à eau?
Près de deux milliards de personnes boivent de l’eau de source polluée aux matières fécales. Dans les régions concernées, les filtres à eau peuvent aider à améliorer la qualité de l’eau potable en éliminant efficacement les bactéries, virus et unicellulaires qui provoquent des dysenteries. Ils peuvent ainsi non seulement contribuer à éviter les dysenteries mais aussi à réduire la mortalité infantile de manière significative. Néanmoins, pour que les populations soient protégées contre les risques d’une eau contaminée, les dispositifs de filtrage doivent être utilisés de manière systématique. Ce n’est pas toujours le cas.
De précédentes études ont déterminé que plusieurs facteurs entrent en jeu dans l’utilisation de ces filtres: les compétences techniques ainsi que des facteurs psychologiques et sociaux au sein des foyers jouent un rôle important. Dans les situations d’urgence notamment, comme lors d’un épisode de sécheresse persistante, les personnes concernées sont préoccupées par des sujets plus impératifs que le filtrage de leur eau potable – alors même que ce serait particulièrement important à ce moment-là.
Qu’est-ce qui empêche les gens d’utiliser les filtres?
En collaboration avec une organisation caritative, une équipe de chercheuses et chercheurs de l’Eawag dirigée par George Wainaina a analysé les raisons pour lesquelles les filtres à eau sont utilisés ou pas. Au moment de l’étude en 2018, la région du Marsabit au nord du Kenya faisait face à un épisode de sécheresse persistante. Celle-ci a non seulement aggravé la mortalité mais a aussi régulièrement provoqué des conflits pour les ressources, de l’insécurité et une forte augmentation du prix des denrées alimentaires. En outre, plus de la moitié des ressources en eau dans le Marsabit était polluée par des matières fécales.
Les chercheuses et chercheurs ont mis quatre dispositifs de filtrage différents à disposition de 107 foyers. Deux d’entre eux avec un seul récipient pour l’eau potable filtrée et deux avec un second récipient pour l’eau non filtrée. Quelques mois plus tard, les chercheuses et chercheurs ont interrogé les foyers sur leurs expériences et leurs habitudes d’utilisation. «Nous avons été surpris de constater que les raisons de ne pas utiliser les filtres variaient en fonction du type de filtre», raconte Wainaina. Le plus gros obstacle à l’utilisation régulière des dispositifs de filtrage à un seul récipient était la disponibilité des pièces détachées. Pour les filtres à deux récipients, la taille a notamment joué un rôle déterminant, ainsi que la question de savoir si et comment ils s’adaptaient à l’espace habitable.
L’influence capitale de l’environnement
Pour les deux types de filtres néanmoins, le jugement porté par l’environnement proche (famille, voisins) sur le filtre concerné est capital. Dès que des proches jugent inutile, voire inacceptable, de filtrer l’eau, les filtres sont plus rarement utilisés. Les systèmes de filtrage sont en revanche utilisés systématiquement lorsque les foyers sont déjà familiarisés avec le type de filtre.
Les résultats fournissent de précieuses indications sur la manière de contourner les obstacles à l’utilisation des filtres à l’avenir. En prenant tous les aspects techniques, sociaux et psychologiques en compte, il sera possible d’assurer un approvisionnement sûr de l’eau potable à long terme dans les régions concernées. Il serait donc important de bien former les personnes mais aussi de faire en sorte que les pièces détachées soient facilement disponibles et à un faible prix. L’industrie devrait être mise à contribution.
Selon G. Wainaina, il serait intéressant d’analyser dans une étude ultérieure si les filtres sont utilisés plus fréquemment lorsque le système de filtrage est déjà connu – contrairement à une technologie complètement nouvelle. «Par ailleurs, je souhaiterais rendre une nouvelle fois visite aux foyers pour voir si l’utilisation des filtres est à présent rentrée dans leurs habitudes».