Tout est interconnecté – de nombreuses pertes sont irréversibles
Le constat de Florian Altermatt, professeur d’écologie aquatique à l’Université de Zurich et chef de groupe du département Ecologie aquatique de l’Eawag, est alarmant: «L’appauvrissement de la biodiversité a pris une ampleur dramatique. Nous constatons un recul de 50 à 90% de certaines populations à l’échelle mondiale, surtout dans les milieux aquatiques. Un million d’espèces est menacé d’extinction.» La perte anthropique de biodiversité sur la planète bleue est à présent qualifiée d’extinction massive, au même titre que celle des dinosaures il y a 66 millions d’années. La disparition d’espèces est irréversible. La perte de biodiversité est avant tout la conséquence des changements d’utilisation des terres, du changement climatique, de la pollution des écosystèmes, de l’exploitation directe de populations ou d’espèces invasives. «Le phénomène est connu des scientifiques depuis des décennies. L’humanité dispose encore probablement d’un petit laps de temps de deux, trois décennies pour inverser la tendance», prévient F. Altermatt.
Depuis les années 1980, la recherche sur la biodiversité s’est intensifiée dans le domaine scientifique et intègre davantage la dimension sociale. Elle trouve son origine dans la recherche taxonomique, qui classe et décrit la biodiversité selon différents critères, et dans l’écologie, qui étudie scientifiquement l’importance fonctionnelle de la biodiversité et les interactions des espèces. Au fil des travaux, il est devenu évident que les atteintes anthropiques à l’environnement nuisaient à la biodiversité et à la composition des espèces. Tous ces constats ont abouti à la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique, au sommet de Rio en 1992. «Ce fut un moment marquant car, jusque-là, seule la communauté scientifique se préoccupait de la biodiversité», se souvient F. Altermatt.
Dans la recherche sur la biodiversité, l’Eawag travaille sur différentes échelles. Les recherches sur la biodiversité peuvent porter sur des questions fondamentales centrales: comment la biodiversité naît-elle? Comment peut-on la préserver? Comment la biodiversité influence-t-elle les processus écologiques? Les scientifiques scrutent par exemple les bactéries présentes dans les stations d’épuration ou les écosystèmes naturels. Comment un changement au sein des communautés d’algues d’un lac affecte-t-il la biodiversité des invertébrés ou des poissons? «A l’Eawag, la recherche sur la biodiversité couvre l’ensemble des écosystèmes aquatiques», précise F. Altermatt. Les scientifiques peuvent ainsi étudier les effets en cascade trophiques complexes qui résultent d’évolutions variées des chaînes alimentaires. L’ensemble de la communauté et des disciplines scientifiques de l’Eawag est souvent mobilisé, de l’ingénieure à l’écologue de terrain, en passant par la chercheuse en sciences sociales. L’approche suivie par l’institution pour ses recherches est tout aussi minutieuse. Une même question fait l’objet d’une étude théorique et d’une modélisation mathématique, avec en parallèle des expérimentations en laboratoire dans des conditions contrôlées et des analyses dans des petits modèles d’écosystème, avant une application à l’ensemble du paysage. Au fond, il s’agit d’une formule de réduction de la complexité qui aboutit à des résultats pratiques.
L’actuelle initiative de recherche stratégique Blue-Green Biodiversity (BGB) portant sur l’étude interdisciplinaire de la biodiversité «bleue et verte», aquatique et terrestre, menée avec le WSL, s’inscrit dans ce contexte. A l’automne 2017, le Conseil fédéral a approuvé le plan d’action Stratégie Biodiversité, qui vise notamment à soutenir la biodiversité par des infrastructures écologiques et des programmes de conservation des espèces. Le Conseil des EPF a pris la balle au bond et apporte 6,5 mio CHF à l’initiative BGB qui s’étend sur cinq ans, jusqu’en 2024. Codirigée par F. Altermatt, chercheur à l’Eawag, et par Catherine Graham, chercheuse au WSL, cheffe du groupe Ecologie évolutive spatiale et professeure extraordinaire d’écologie évolutive à l’université américaine de Stony Brook, cette initiative crée des synergies qui renforceront la recherche environnementale des deux établissements de recherche, reconnue à l’échelle internationale, dans l’objectif de mieux connaître la biodiversité à l’interface des écosystèmes aquatiques et terrestres.
Rapport de gestion 2020
Cet article a été réalisé dans le cadre du Rapport de gestion 2020 du Conseil des EPF sur le Domaine des EPF.