L’intelligence artificielle pour prévoir les avalanches
A l’Institut pour l’étude de la neige et des avalanches du WSL (SLF), humains et machines travaillent main dans la main. Les deux expertises sont intégrées dans le bulletin d’avalanches publié chaque jour par l’institut sur mandat de la Confédération. Trois prévisionnistes d’avalanches établissent d’abord chacun une prévision conventionnelle du danger d’avalanche pour le lendemain. Ils utilisent des informations actuelles sur l’évolution et les prévisions météorologiques, des données de stations de mesure, mais aussi les observations de randonneuses et randonneurs ainsi que celles de guides de montagne. Ils attribuent les données collectées, par région, à l’un des cinq degrés de danger. Ensuite seulement, ils incluent les prévisions automatiques de l’ordinateur, basées sur l’apprentissage automatique. Des scientifiques du SLF lui ont appris à établir de telles prévisions, en étroite collaboration avec le Swiss Data Science Center (SDSC). Leurs recherches ont été aussitôt prises en compte par l’équipe d’alerte opérationnelle.
Le premier hiver, un prévisionniste du SLF a acquis une première expérience avec le modèle de prévision numérique. Depuis l’hiver 2021/ 2022, toute l’équipe d’alerte dispose de cette possibilité de prévision automatique du danger d’avalanche. L’apprentissage automatique permet d’établir des prévisions sans intervention humaine, à l’aide de données de mesure et de modélisation. Les données des stations de mesure automatiques, du modèle numérique de manteau neigeux SNOWPACK et de COSMO, le modèle de prévision météorologique de MétéoSuisse, sont combinées pour prévoir le degré de danger d’avalanche sur neige sèche pour les 24 heures à venir.
Prévisions automatiques
Des scientifiques du SLF ont également perfectionné le modèle informatique basé sur l’apprentissage automatique et élargi la palette de modèles. Durant l’hiver 2022 / 2023, il sera possible d’établir des prévisions automatiques d’avalanches de neige mouillée et de stabilité du manteau neigeux. «Grâce à la collaboration avec le SDSC, la chaîne de modèles était quasiment opérationnelle 18 mois après le lancement du projet et nous avons testé les prévisions automatisées. Les résultats étaient prometteurs», souligne Jürg Schweizer, directeur du projet. Les prévisions du modèle sont ensuite intégrées à celles établies manuellement. «Nous espérons que les prévisions générées automatiquement par voie numérique amélioreront la cohérence de nos alertes. Elles constituent un second avis indépendant et précieux», selon le directeur du SLF.
Plus le danger d’avalanche est élevé, plus les avalanches sont importantes. Elles signalent une situation critique. Mais les informations sur les départs d’avalanche sont rarement disponibles en temps réel. Les systèmes de détection basés sur la sismologie ou les infrasons comblent cette lacune. L’apprentissage automatique permet par exemple de filtrer les signaux avant-coureurs d’avalanche. Le SLF effectue également des tests pour obtenir des informations sur la répartition spatiale ou l’ampleur des départs d’avalanche à l’aide d’images satellites ou de prises de vue par drones. Ces méthodes de télédétection ont le grand avantage d’enregistrer l’activité avalancheuse à grande échelle, dans le meilleur des cas pour toutes les Alpes suisses. Les données collectées permettent de prévoir les avalanches et servent aussi à la validation et l’amélioration de modèles, comme pour ceux de dynamique des avalanches lors du zonage de danger. «Pour les avalanches majeures, nous effectuons des prises de vue par drone afin de visualiser leurs contours, de calculer leur volume et le bilan de masse.»
Une cartographie grâce au deep learning
L’intelligence artificielle est utilisée également dans d’autres domaines de recherche du WSL. Avec l’ETH Zurich et le soutien financier des Offices fédéraux de l’environnement et des routes, le WSL a développé un système qui recense automatiquement la séneçon du Cap et l’ailante le long des autoroutes, deux espèces de plante qui figurent sur la «liste noire» des néophytes envahissantes de Suisse. La cartographie a été réalisée à l’aide d’une méthode spécifique très précise basée sur le deep learning, consistant à filmer depuis une voiture en mouvement. Cela a permis d’obtenir des cartes de répartition reproductibles, à haute résolution spatiale, établies aussi pour d’autres espèces.
Les possibilités numériques modernes dans la recherche environnementale permettent d’obtenir de manière automatisée une plus grande quantité et une plus grande diversité de données et de les évaluer de manière plus ciblée sur le plan scientifique. Le fait que le WSL les utilise renforce non seulement sa réputation de leader en matière de recherche environnementale, mais est aussi dû à la complexité interdisciplinaire des questions liées au changement climatique.