Constitutionnellement permis - et même exigé
Nous assistons à un vif débat politique et social sur la question de savoir si les personnes ayant reçu leur vaccin Covid devraient être autorisées à se déplacer plus librement que les personnes non vaccinées. Les opposant·es à un système de passeport vaccinal ou de «laissez-passer vert», qui assouplirait les restrictions imposées aux personnes vaccinées, par exemple en leur permettant de voyager plus librement, avancent deux arguments principaux : Premièrement, pour des raisons juridiques et éthiques, les personnes vaccinées ne devraient pas bénéficier d'un traitement préférentiel, car cela violerait les principes d'égalité et serait contraire à l'éthique; cela creuserait un fossé dans la société. Deuxièmement, il n'est pas encore scientifiquement prouvé que les personnes vaccinées sont moins infectieuses, et le «principe de précaution» interdit donc tout traitement préférentiel.
L'inégalité de traitement est justifiée
Pourtant, ces arguments ne sont ni solides sur le plan juridique ni convaincants sur le plan éthique. Il ne s'agit pas d'un cas d'inégalité de traitement injustifiée; il existe une bonne raison objective d'établir une distinction entre les personnes vaccinées et non vaccinées: la vaccination. Que tou·tes cell·eux qui veulent se faire vacciner aient ou aient eu le même accès au vaccin n'est pas pertinent. Dans la vie, il existe des inégalités bien plus fondamentales que nous acceptons volontiers, et parfois de manière assez discutable, pour donner lieu à des distinctions justifiées par la Constitution - comme, par exemple, le fait de posséder la citoyenneté d'un pays riche, une santé robuste ou un jeune âge.
En principe, compte tenu de nos traditions constitutionnelles, l'État est tenu de garantir et de protéger les libertés fondamentales et les droits constitutionnels. Des interventions et des restrictions sont possibles, mais elles doivent être justifiées. Les restrictions de liberté que nous subissons depuis plus d'un an sont justifiées par le danger du virus, sa propagation rapide et le risque de surcharger le système de santé.
Aucun danger pour soi-même ou pour les autres
En fait, des données provenant d'Israël et des États-Unis suggèrent que dans la grande majorité des cas, non seulement la vaccination empêche une personne de tomber malade, mais il est également très probable qu'elle ne transmette pas le virus à d'autres personnes - une analyse également partagée depuis la semaine dernière par l'Institut allemand Robert Koch. Cela signifie que les personnes vaccinées ne font plus partie du groupe des personnes à risque, ou de celles qui pourraient mettre d'autres personnes en danger. C'est là tout l'intérêt de la vaccination. En faisant partie d'un groupe croissant de personnes vaccinées, elles offrent également une protection potentielle à cell·eux qui ne peuvent pas être vacciné·es pour des raisons médicales ou qui ne veulent pas l'être pour des raisons idéologiques - des positions qui sont également, en principe, protégées par la Constitution. Par conséquent, il n'y a plus aucune raison de restreindre les droits fondamentaux des personnes entièrement vaccinées.
Fournir une telle preuve est pratiquement impossible, et représenterait un virage dangereux : pour cause, ce ne sont pas les citoyen·nes qui doivent prouver qu'il·les ne sont pas dangereux·ses pour exercer leurs droits fondamentaux, mais bien l'Etat qui doit se justifier s'il veut restreindre ces droits. Sur la base des informations scientifiques actuelles, il n'y a tout simplement pas d'argument plausible pour restreindre les libertés des personnes vaccinées.
Ce qui laisse juste l'envie
Lorsque l'immunité collective sera atteinte - c'est-à-dire lorsque nous serons tou·tes protégé·es, quel que soit notre statut vaccinal, et que notre système de santé sera à nouveau sûr - les restrictions des droits fondamentaux seront levées pour tous, et le passeport vaccinal perdra de son importance. Le fait que, en raison de la pénurie de vaccins, nous ne puissions pas lever les restrictions pour tout le monde simultanément, mais plutôt de manière séquentielle, est une banalité que nous ne remarquons même plus dans d'autres domaines de la vie. Qui soutiendrait sérieusement qu'un État qui construit un réseau Internet à large bande ne devrait autoriser ses citoyen·nes à l'utiliser que lorsque le réseau aura été entièrement déployé dans les zones rurales ? Tant que la priorité en matière de vaccination suit des critères objectifs et n'est pas arbitraire, il importe peu que certain·es recouvrent leurs droits fondamentaux plus tôt que d'autres.
Il ne reste donc qu'une argumentation motivée par une envie sublimée. Pour exposer cela, nous pouvons utiliser une expérience de pensée d'éthique juridique développée par l'économiste John Harsanyi, lauréat du prix Nobel, et le philosophe du droit John Rawls, appelée «le voile de l'ignorance» : Comment devions-nous décider si nous ne savions pas dans quel rôle social nous allions naître - dans le rôle d'un·e partisan·e de la vaccination ou celui d'un·e opposant·e à la vaccination, dans le rôle d'un·e vacciné·e ou celui d'un·e non-vacciné·e ? Il semble certain que, sans parti pris subjectif, nous serions tou·tes d'accord pour dire que toute personne entièrement vaccinée ne devrait plus subir de restrictions de ses libertés fondamentales.
Réjouissons-nous donc avec cell·eux qui ont été vacciné·es ! Au moins, il·les peuvent à nouveau jouir progressivement de leurs libertés et arracher au virus le contrôle de leur vie. À cet égard, le laissez-passer vert, avec son assouplissement des restrictions pour les personnes vaccinées, peut nous réjouir, nous donner de l'espoir et nous faire pousser un soupir de soulagement, tout comme les images en provenance d'Israël. C'est aussi la direction que devrait prendre notre pays.